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Par Papyves1 le 26 Avril 2010 à 04:58
La petite ville de Guernica, au Pays basque espagnol, était connue pour son chêne sacré au pied duquel se réunissaient, depuis le Moyen-âge, les représentants du peuple basque. Elle ne comptait que 7.000 habitants avant la deuxième guerre mondiale mais un tiers environ ( chiffre controversé ) vont périr ou être gravement blessés dans le bombardement du 26 Avril 1937 effectué par la Légion Condor allemande.
Cette unité aérienne spéciale, créée en Octobre 1936, est confiée par Hitler aux ordres du Général Hugo Speerle et du baron Wolfram von Richthofen, cousin du « Baron rouge », lui aussi aviateur héros de la Grande guerre. Hitler, qui n’a jamais digéré le traité de Versailles de 1919, lequel interdit, entre autres, à l’Allemagne de développer une aviation de guerre, va offrir à ses pilotes l’occasion de s’entraîner librement, et en conditions réelles de combat, aux dépens des populations ibériques soumises à la guerre civile espagnole, depuis 1936, entre Nationalistes pro Franco et Républicains. De nouvelles armes et procédés ( par exemple, le sinistre sifflement des Stukas en piqué ) seront ainsi testées en Espagne, en vue de la prise espérée de Gibraltar.
La veille du drame, Guernica est traversée par les combattants républicains basques qui fuient l’avance des franquistes vers Bilbao au Nord. Le colonel von Richthoffen propose à ses alliés espagnols de couper la route aux fuyards en détruisant le pont de Renteria, au Nord de Guernica. Mais il semble que Hitler ait voulu frapper un grand coup les esprits en bombardant aussi la population civile car il fut établi, plus tard, que les 4 escadrilles de bombardiers de la Légion Condor, protégées par des avions italiens, avaient emporté dans leurs soutes, outre des explosifs, des bombes anti-personnelles et incendiaires.
L’opération ( Rügen ou Feuerzauber ) commence à 16 h 30 et, après plusieurs vagues d’assaut, ne s’achève que vers 19 h 00, laissant la ville en proie aux flammes. Le pont de Renteria, principal objectif stratégique du bombardement aérien, fut paradoxalement épargné.
Mais la publication des chiffres des victimes civiles dans la Presse provoqua un tollé et une indignation internationales qui émurent la plupart des artistes de l’époque. Guernica va ainsi devenir le symbole de la souffrance injustifiée des peuples, sous le joug des dictatures. Des sculpteurs comme René Iché qui se met au travail le jour même, des poètes comme Paul Eluard ( « la victoire de Guernica » en 1938 ) ou des musiciens tels Ascione en 1978. Des écrivains, comme André Malraux, Ernest Hemingway ou Georges Orwell raconteront leur engagement aux côtés des républicains.
La plus connue et la plus représentative de ces œuvres est, sans conteste, la fresque commandée à Pablo Picasso par le gouvernement espagnol, pour son pavillon de l’exposition universelle de 1937 à Paris et qui représente un enchevêtrement d’animaux et de corps humains en souffrance, évoquant la corrida.
En échange de l’aide des forces aériennes nazies et fascistes, Franco laissera partir des volontaires franquistes espagnols, pendant l’invasion Barbarossa, sur le front russe, au sein de la Division Azul.
Pour de nombreux commentateurs, Guernica est aussi un prélude ou un signe avant-coureur des exactions qui allaient se jouer contre des populations civiles, lors du prochain conflit mondial, quelques courtes années plus tard.
Une fois de plus, les gouvernements démocrates, de Londres et Paris notamment, n’ont pas voulu s’engager clairement et prônèrent la « non-intervention », sorte de chèque en blanc aux mouvements totalitaires.
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Par Papyves1 le 15 Février 2010 à 08:50
Alors que le débat sur les valeurs qui rassemblent les Français, autour d’une « identité nationale » commune, occupe les médias et le monde politique en ce début d’année 2010, il n’est pas vain de se remémorer les évènements qui ont conduit à l’instauration du drapeau de la France, en trois bandes de couleurs verticales, bleu blanc et rouge :
En Juillet 1789, peu de temps avant la prise de la Bastille, l’effervescence pour ne pas dire le chaos règne à Paris, la révolution est en marche. La police est incapable de contenir les pillages et les meurtres. Une milice bourgeoise est alors créée qui porte un signe distinctif, une cocarde bicolore composée des traditionnelles couleurs de la ville de Paris, le bleu et le rouge. C’est le général de La Fayette, auréolé du succès de sa campagne en Amérique, qui est élu commandant de cette force baptisée Garde Nationale.
Le maire de la ville, Jean Sylvain Bailly, convie le 17 Juillet 1789 le roi Louis XVI à l’hôtel de ville pour lui présenter officiellement cette garde nationale, en présence de La Fayette. Pour montrer qu’il est près du peuple et calmer la foule qui l’entoure, le roi porte la cocarde bleu et rouge. La Fayette pense honorer son hôte en y ajoutant, intercalé, le blanc royal. C’est ainsi que naissent les trois couleurs de notre drapeau. On n’ose penser que le marquis songeait aux couleurs du drapeau des nouveaux Etats-Unis, fraichement proclamés en 1776.
Le bleu azur, comme la chape de Saint-Martin, était la couleur des bourgeois de Paris au Moyen-âge mais aussi la couleur du manteau du roi de France de Clovis à Charles X. C’est aujourd’hui le symbole de la paix adopté par l’Europe, l’ONU et les casques bleus. Le blanc, signe de pureté et de sagesse porté par les Papes mais aussi parfois couleur de deuil, était la couleur du drapeau royal avant la révolution donc de la monarchie, ainsi que celle de l’écharpe des chefs d’armées au combat. Le rouge, comme la bannière de Saint-Denis depuis Hugues Capet ou le manteau des centurions romains, couleur de feu et de sang, sera brandi par les insurgés contre Louis XVI et deviendra le symbole mondial des luttes ouvrières.
Lors de la Fête de la Fédération, le 14 Juillet 1790, un an après la Bastille, le Champ de Mars est orné du pavillon aux trois couleurs. Un décret du 15 Février 1794 ( 27 Pluviôse An II ) indique que « le pavillon et le drapeau national seront formés des trois couleurs nationales disposées en trois bandes égales de manière à ce que le bleu soit attaché à la garde du pavillon, le blanc au milieu et le rouge flottant ».
Le drapeau rouge a bien failli revenir en 1848, après l’abdication de Louis-Philippe, lorsque les républicains le brandissent sur les barricades. Il faudra toute l’éloquence de Lamartine pour maintenir le drapeau tricolore : « Je repousserai jusqu’à la mort ce drapeau de sang et vous devriez le répudier plus que moi : car le drapeau rouge, que vous-mêmes rapportez, n’a jamais fait que le tour du Champ-de-Mars, traîné dans le sang du peuple en 1791 et 1793, et le drapeau tricolore a fait le tour du monde avec le nom, la gloire et la liberté de la patrie ».
Avec l’instauration de la fête nationale, le 14 Juillet, sous la IIIème République, le consensus s’établit autour des trois couleurs auxquelles se rallient même les royalistes. Peu à peu, le drapeau tricolore va représenter l’Etat et la nation dans les cérémonies officielles. Pour le peuple, c’est le coq qui sera porté au rang d’emblème.
Aujourd’hui, nul ne conteste plus sa légitimité et la force de son symbole … sauf peut-être quelques réactionnaires qui, par provocation, rejettent tout signe de « nationalisme franchouillard » et prônent l’avènement des « citoyens du monde ». Cependant, la fierté d’appartenir à une nation galvanise encore les ardeurs et se manifeste spontanément lors des rencontres sportives où les vainqueurs s’enveloppent dans le drapeau national. Parfois aussi, on le brûle mais c’est une autre histoire.
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Par Papyves1 le 9 Novembre 2009 à 10:05
Il est des dates qui marquent chacun d’entre-nous : son anniversaire, le premier flirt ou la perte d’un parent proche. Qui ne se souvient de ce qu’il faisait le jour du 11 Septembre 2001 ? Pour ma part, participant à une réunion internationale à Bruxelles, je revois la mine d’incompréhension de nos collègues américains à qui l’on venait d’apprendre, en ce « nine-eleventh », la nouvelle des attentats sur les tours jumelles de NY et le Pentagone.
Le 09 Novembre est de ces dates là : En France, on se souvient de la chute du mur de Berlin en 1989, plus rarement de la mort du Général de Gaulle en 1970, qui eut lieu pourtant le même jour.
Les Allemands, eux, ne sont pas prêts d’oublier les évocations liées aux quatre 09 Novembre de leur Histoire :
Cela commence en 1918, après 4 ans de guerre et un début d’insurrection des comités de soldats et ouvriers qui veulent suivre l’exemple des Bolcheviques de Russie, lorsque la « République allemande » est proclamée à Berlin par Philipp Scheidemann, social-démocrate, d’une fenêtre du Reichstag puis par le spartakiste Karl Liebknecht, quelques heures plus tard, depuis le balcon du « château », place Marx-Engels. Ce 09 Novembre, l’Empereur a abdiqué, le II° Reich a vécu. S’ensuivra la « November-revolution » qui débouche, en 1919, sur la République parlementaire de Weimar jusqu’en 1933.
Puis, en 1923 soit 10 ans avant qu’il n’accède au pouvoir et au poste de chancelier par la grâce du Maréchal Von Hindenburg, un inconnu nommé Adolf Hitler, chef du NSDAP ( NationalSozialistische Deutsche ArbeiterPartei ), Parti national-socialiste des travailleurs allemands créé à Munich, qu’on appellera bientôt Nazi par dérision, tente un putsch par la force, en Bavière, avec l’appui du Général Erich Ludendorff. Alors que les dirigeants du Land, du balcon d’une brasserie, s’adressent à 3.000 bourgeois inquiets de l’occupation de la Ruhr, Hitler fait irruption, révolver au poing, à la tête des militants du NSDAP, pour les intimer de lui céder le pouvoir. Bilan : 16 morts et un bref passage en prison pour Hitler. Dans le subconscient des Allemands, cette date du 09 Novembre 1923 ( le putsch de la brasserie ) reste comme la première action publique des Nazis en Allemagne.
Toujours un 09 Novembre, mais en 1938 cette fois, est déclenchée la « Nuit de Cristal » contre les Juifs, à vrai dire un véritable Pogrom ( Reichspogromnacht ) au cours duquel plus de 100 personnes sont tuées, une centaine de synagogues brûlées et des milliers de magasins pillés. A l’origine, un jeune juif polonais agresse le diplomate allemand Ernst von Rath à Paris. Il n’en faut pas plus à Goebbels, ministre de la propagande, pour dénoncer un complot juif et lancer les SA ( Sturm Abteilung = sections d’assaut ) et les Jeunesses hitlériennes dans les rues des principales villes, notamment Berlin et Vienne.
Enfin, et là vous en lirez des tonnes de pages ce mois-ci dans toute la presse, le 09 Novembre 1989, le mur de Berlin tombait, aux airs de violoncelle de Rostropovitch. Entre la République démocratique et la République fédérale allemandes, un vrai mur double de pierres et de barbelés avait été construit dès 1961 pour empêcher la fuite des cerveaux Est-allemands vers l’Eldorado de l’Ouest. En Mai 1989, ce « mur de la honte » commence à se fendiller entre la Hongrie et l’Autriche, brèche où s’engouffrent des milliers de personnes. Puis, poussés par la « perestroïka » et la « glasnost » initiées par Mikhaïl Gorbatchev, les dirigeants de RDA pensent réduire les manifestations de plus en plus nombreuses par une politique d’ouverture timide des frontières et ils autorisent les Allemands de l’Est à voyager à l’étranger « sans aucune condition particulière ». C’est la ruée vers les postes frontières qui restent cependant fermés, n’ayant pas encore reçu l’ordre d’ouvrir les barrières. Au bout de quelques heures, débordés, les douaniers les laissent tout simplement passer sans contrôle. Dès le lendemain, le mur de béton est attaqué par tous les moyens que les Berlinois trouvent à leur portée. Stupeur dans le monde entier, de part et d’autre du mur, où l’évènement n’avait en aucune manière été anticipé.
Malheureusement, il reste encore aujourd’hui, dans le monde, d’autres murs entre les peuples. Egoïsme et préservation des acquits locaux, peur de l’étranger, exclusion et refus du partage en sont la cause persistante. Les véritables murs sont dans la tête et le cœur des peuples. Et de ceux-là, aucune pioche ne viendra à bout, hélas.
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Par Papyves1 le 22 Octobre 2009 à 10:56
C’est aujourd’hui, 22 Octobre 2009, 68 ans après qu’il fut fusillé à Châteaubriand, que la lettre d’adieu à sa famille du jeune militant communiste Guy Môquet devrait être lue dans tous les lycées de la République Française.
Bien sûr, puisque c’est une décision unilatérale du Président de la République, relayée évidemment par le Gouvernement, bon nombre d’enseignants ne la liront pas à leurs élèves, pour des raisons politiques, tout comme ils ne feront pas de commentaire historique sur les conditions de sa rédaction.
C’est dommage, car c’est une lettre admirable d’un jeune Français de 17 ans qui s’est engagé à fond dans une cause qu’il estimait juste et qui était prêt, en distribuant des tracts interdits, à risquer sa vie pour des idées nobles.
Les jeunes élèves d’aujourd’hui, malgré l’image nonchalante qu’ils affichent souvent, seraient sans doute prêts à faire de même s’ils étaient placés dans les mêmes conditions historiques. Alors pourquoi leur refuser l’accès à cette belle page d’histoire de leur pays ?
Voici cette lettre :
"Ma petite maman chérie,
mon tout petit frère adoré,
mon petit papa aimé,
Je vais mourir ! Ce que je vous demande, toi, en particulier ma petite maman, c’est d’être courageuse. Je le suis et je veux l’être autant que ceux qui sont passés avant moi.
Certes, j’aurais voulu vivre. Mais ce que je souhaite de tout mon cœur, c’est que ma mort serve à quelque chose. Je n’ai pas eu le temps d’embrasser Jean. J’ai embrassé mes deux frères Roger et Rino. Quant au véritable, je ne peux le faire hélas ! J’espère que toutes mes affaires te seront renvoyées. Elles pourront servir à Serge qui, je l’escompte, sera fier de les porter un jour.
A toi petit papa, si je t’ai fait ainsi qu’à ma petite maman, bien des peines, je te salue une dernière fois. Sache que j’ai fait de mon mieux pour suivre la voie que tu m’as tracée. Un dernier adieu à tous mes amis, à mon frère que j’aime beaucoup. Qu’il étudie bien pour être plus tard un homme.
17 ans et demi, ma vie a été courte, je n’ai aucun regret, si ce n’est de vous quitter tous. Je vais mourir avec Tintin, Michels.
Maman, ce que je te demande, ce que je veux que tu me promettes, c’est d’être courageuse et de surmonter ta peine. Je ne peux pas en mettre davantage. Je vous quitte tous, toutes, toi maman, Serge, papa, je vous embrasse de tout mon cœur d’enfant. Courage !
Votre Guy qui vous aime"
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Par Papyves1 le 30 Septembre 2009 à 14:20
Le 30 Septembre, au retour de Munich, chacun est satisfait de l’accord commun obtenu dans la nuit car la paix a été sauvegardée. En cette fin Septembre 1938, la guerre semble, en effet, imminente avec l’Allemagne nazie dont les ambitions et les revendications territoriales croissent de façon inquiétante malgré les discours apaisants du Führer envers l’extérieur. Les Européens se sont déjà inclinés devant la réoccupation de la Rhénanie en Mars 1936, alors que les Traités de Versailles et Saint-Germain en Laye la voulaient démilitarisée. Ils ont observé sans mot dire « l’Anschluss » de l’Autriche en Mars 1938 puisque cette annexion serait « la dernière » selon le vœu d’Hitler lui-même.
Mais voici que le dictateur, qui veut sa revanche sur le « Diktat » infâmant imposé à l’Allemagne en 1919, revendique maintenant les zones frontalières de la Tchécoslovaquie, nommées les « Sudètes » où les 3,2 millions d’allemands sont majoritaires par rapport aux autres populations slovaque, tchèque, hongroise, polonaise, ruthène, juive ou rom.
Jusqu’où ira-t-il ? Le Premier ministre britannique, Neville Chamberlain, multiplie les gestes d’apaisement et lui rend visite par deux fois ( avec comme arrière pensée de préserver, par un accord secret, les intérêts anglais ). Hitler fait monter la tension et invoquant le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, menace d’envahir ces territoires au plus tard le 1er Octobre 1938, lorsque Mussolini, le Duce italien, propose une conférence de la dernière chance. Français, Britanniques et Italiens se retrouvent alors à Munich, le 29 Septembre, mais pas les Tchécoslovaques ni les Russes qui les soutiennent.
Visiblement impressionnés par un Führer nerveux et impatient, le Français Daladier et l’Anglais Chamberlain, pourtant alliés et garants de la Tchécoslovaquie, finissent par accepter un compromis présenté par Mussolini, dans lequel le gouvernement de Prague est sommé d’évacuer les Sudètes dans les 10 jours pour laisser la place à une occupation progressive des troupes allemandes.
A Londres et à Paris, les journaux titrent naïvement « la paix est sauvée » et Edouard Daladier tout comme Chamberlain sont accueillis en héros à leur descente d’avion. En fait, les chancelleries occidentales pensaient secrètement que cet accord allait pousser Hitler à la guerre … contre l’Union Soviétique.
Cependant, ces accords ne valent rien pour Hitler qui annexe les Sudètes par la force dès le lendemain. Hongrois et Polonais s’estiment autorisés à s’emparer eux aussi d’un morceau de la Tchécoslovaquie qui est ainsi démantelée. Le Président tchèque Benes démissionne le 05 Octobre.
Moins d’un an plus tard, la Pologne est envahie par un Hitler convaincu que personne n’osera plus s’opposer à ses visées expansionnistes. C’est le début de la seconde guerre mondiale.
Les accords de Munich deviendront, par la suite, le symbole de la faiblesse et de la démission des démocraties européennes face à la montée des fascismes. C’est Winston Churchill qui aura le mieux résumé cette lâcheté :
« You were given the choice between dishonour and war. You chose dishonour and you will have war”
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