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Erection du mur de la honte
Dès la fin de la guerre et la capitulation des armées nazies en 1945, le territoire de l’Allemagne fut divisé en quatre zones de subordination, conformément à la conférence de Yalta : soviétique à l’Est, ce qui inclut Berlin, britannique au Nord, américaine au Sud et une petite zone à responsabilité française aux frontières de la Moselle et du Rhin.
Les Soviétiques, qui ont accepté de mauvais gré le partage équivalent de la capitale du IIIème Reich et un contrôle conjoint, doivent se contenter de la moitié Est de la ville ( pourtant au cœur de leur zone d’occupation ) et laisser les « capitalistes » gérer à trois ( US, GB, FR ) la partie Ouest de celle-ci. Initialement coopératifs au sein d’un Conseil de contrôle allié, les Soviétiques s’en dégagent en Mars 1948 puis, dès le mois de Juin, instaurent un Blocus terrestre de Berlin pour asphyxier les secteurs Ouest afin d’en récupérer ainsi le contrôle. Las, un gigantesque pont aérien allié, ininterrompu sur plusieurs mois, va déjouer leur plan et les contraindre à accepter le statu quo d’une « guerre froide » de part et d’autre du « rideau de fer ». L’Allemagne est officiellement scindée, en 1949, en une République Fédérale ( RFA ) et une République Démocratique ( RDA ) et des gardes frontières sont mis en place.
Mais les différences de niveau de vie et de liberté individuelle des deux côtés de la frontière entraînent un flux grossissant de départs des Allemands de l’Est vers la vitrine économique de l’Ouest. Et pas des moindres puisque c’est l’élite de la population qui fuit la RDA, via le métro de Berlin notamment. Ensuite deux heures d’avion et c’est la liberté. Environ 3 millions de « déserteurs » quittent le régime communiste entre 1949 et 1961, année d’érection du Mur.
Walter Ulbricht, l’homme fort de la RDA s’en émeut et, bien qu’il ait annoncé que « Personne n’a l’intention de construire un mur » ( il est le premier à utiliser ce mot ), il déclenche, dans la nuit du samedi 12 au dimanche 13 Août 1961, l’opération « Protection antifasciste ». Sans doute avait-il obtenu le feu vert du dirigeant de l’URSS, Nikita Khrouchtchev.
La construction du mur, sous la responsabilité active de Erich Honecker, commence par un rideau de fils barbelés entourant les trois secteurs occidentaux et le barrage sommaire des voies d’accès, métro compris, vers Berlin Est. Puis, devant les berlinois médusés, un bataillon de maçons, surveillés par des policiers et douaniers, érige 43 km d’un mur en dalles de béton surmontées de briques et de barbelés. Un double mur parallèle de grillage, côté Est, ménagera ensuite un no man’s land balayé par les projecteurs qui formera un cordon stérile parcouru par des chiens de garde, constamment enrichi de miradors, mines et pièges. Les fenêtres des bâtiments qui donnent sur cette zone interdite sont cimentées, les caves emmurées.
Malgré la protestation énergique du maire, Willy Brandt, et une manifestation monstre de 300.000 personnes devant le Rathaus, le béton s’élève partout jusqu’à 4 mètres de hauteur, séparant brutalement des familles éberluées. Sept points de passage seulement subsisteront sur les 80 existants préalablement.
Le 27 Octobre 1961, des gardes frontières de RDA exigent de contrôler les membres des forces alliées se rendant dans le secteur d’occupation soviétique. Le ton monte de telle sorte que 10 blindés de chaque camp prennent position, face à face, à Check-point Charlie et se jaugent pendant deux jours sans qu’un coup de feu ne soit heureusement tiré, ce qui aurait pu conduire, par escalade, à un affrontement nucléaire.
En Juin 1963, le président américain John Fitzgerald Kennedy prononce son fameux discours de soutien aux Berlinois de l’Ouest : « Ich bin ein Berliner » mais il ne peut rien faire pour aider les milliers de personnes qui tentent de franchir la frontière entre les deux Allemagne ou le mur à Berlin. Pendant les 28 ans d’existence du mur, plus de 500 fugitifs seront abattus par les « Vopos » ( Volkspolizei, police du peuple ) dont 136 à Berlin même.
Long de 160 km, ce « mur de la honte », selon l’expression des alliés, sera célébré régulièrement et en grande pompe par la nomenklatura Est-allemande alors qu’il symbolise, à l’Ouest, l’échec économique du bloc soviétique. Il restera en place jusqu’à ce que, sur insistance de Gorbatchev, les autorités est-allemandes annoncent, le 09 Novembre 1989, que les candidats à l’émigration peuvent passer librement par les postes frontières. Après un moment d’hésitation et d’incrédulité naturelle, c’est la ruée et la délivrance. On connaît le bouleversement stratégique que cette chute va entraîner.
Malheureusement, le nouveau monde issu de la chute du mur n’est pas plus pacifique, au contraire. L’égoïsme et la bêtise des hommes restent incommensurables.
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Commentaires
Merci Yves pour cette page d'histoire qui aurait pu dégénérer en guerre nucléaire. J'étais en 6ème en ces temps-là, et ma vie d'adulte actif a été conditionnée par ces évènements. Je n'ai pas "fait la guerre", mais j'ai le sentiment d'avoir épargné la paix en faisant face à "ces gens-là"...