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Quand Verlaine tire sur Rimbaud.
Paul Verlaine aurait pu devenir ce grand poète universel et parnassien qu’il rêvait d’être, tout à son admiration de son maître, Charles Baudelaire, si le diable en personne n’était venu envahir son univers tranquille et bouleverser sa vie bien mieux que l’absinthe qu’il affectionnait. Le diable, c’est Arthur Rimbaud bien sûr. Ce gamin de 17 ans, bouillonnant et génial, de 10 ans son cadet mais si extravagant dans son comportement et ses délires verbaux, écrit à Verlaine un jour de Septembre 1871, depuis Charleville, après avoir lu ses « Fêtes galantes ». Celui-ci l’invite alors chez lui pour discuter poésie mais c’est un ouragan de folie qui débarque dans le foyer où Mathilde, la toute jeune femme de Paul, attend son futur bébé, Georges qui naîtra en Octobre. Paul est subjugué et fasciné par ce jeune prodige. Relisant avec son hôte les poèmes qu’il a apportés, il est ébloui par le génie poétique du jeune homme et aussi par sa beauté.
Verlaine tombe aussitôt amoureux de l’adolescent et l’entraîne dans les cercles artistiques et salons littéraires de sa connaissance mais aussi dans les tripots où il avait l’habitude de s’encanailler. Ce qui n’est pas pour déplaire à Arthur, ravi de quitter sa province ennuyeuse et de donner libre cours à son penchant de révolté et de provocateur. Ensemble, et se stimulant mutuellement, ils entament une période de production féconde et sans tabou qui bouleverse les codes de la littérature poétique. Toujours vus côte à côte dans les salons ou au théâtre, les deux amants sont bientôt l’objet de ragots. Dans les années 1870, l’amour entre hommes n’est pas encore toléré. Nous sommes aussi en plein épisode de la Commune à Paris que Verlaine soutient en restant à son poste de fonctionnaire à l’Hôtel de Ville, observant la formidable répression orchestrée par Adolphe Thiers.
Sujets aux railleries permanentes, menacés de représailles post Commune, les deux poètes s’enfuient à Londres puis à Bruxelles. Lassé des frasques de son mari qui a abandonné femme et enfant, Mathilde Verlaine demande le divorce mais Paul croit pouvoir sauver son couple, même si sa passion pour Arthur est la plus forte.
C’est dans cet état d’esprit qu’il quitte Londres, en Juillet 1873, après une énième dispute avec Rimbaud pour un motif futile et qu’il atterrit dans un hôtel de la gare du Nord à Bruxelles. Seul et dégrisé, il écrit pour tenter de renouer les liens avec son épouse et avec son ami. Refusant longtemps de le suivre, Arthur accepte enfin, à la lecture d’un télégramme déchirant, de retrouver son mentor en Belgique. Mais les retrouvailles se passent mal car Rimbaud confirme qu’il veut reprendre sa liberté et rentrer à Paris.
Pour donner du corps à sa menace de mettre fin à ses jours si Arthur ne le rejoignait pas depuis Londres, Paul avait acheté, au matin du 10 Juillet 1873, un pistolet et quelques cartouches qu’il tenait, chargé, dans sa poche. Passablement éméché et même carrément ivre, du fait d’avoir traîné la veille et toute la journée dans les cafés, Verlaine tente de retenir Rimbaud qui parait décidé à rompre. Pour l’en empêcher physiquement, Paul se met en travers de la porte de la chambre d’hôtel et sort le fameux pistolet. Deux coups partent. Le premier atteint Rimbaud au poignet gauche et le second, lâché par reflexe, perce le plancher. Subitement paniqué à la vue du sang et comprenant enfin ce qu’il venait de faire, Verlaine se précipite sur Paul, implorant son pardon et le suppliant de le tuer. C’est la mère de Verlaine, accourue de la chambre voisine, qui prendra alors les choses en mains avec calme et entraînera les deux garçons à l’Hôpital Saint-Jean.
Le soir même, le lamentable trio rentre à l’hôtel, rue des Brasseurs. Rimbaud est plus que jamais conforté dans son intention de partir. Tous trois reprennent le chemin de la gare du Midi, Paul excité et Arthur méfiant. Avant d’y arriver, Paul se dresse une dernière fois devant son ami et met la main à sa poche. Rimbaud prend peur et fuit jusqu’à rencontrer un agent de police à qui il narre l’aventure. Verlaine est arrêté, interrogé puis incarcéré. C’est vraisemblablement à cause de son homosexualité avérée qu’il fera de la prison, plus qu’en raison de la blessure bénigne infligée à son ami.
S’ensuivront de très beaux poèmes, de la part de Verlaine, écrits en prison et à sa sortie, avant qu’il ne sombre à nouveau dans la débauche et la misère. De son côté, l’élève surdoué qu’était Rimbaud va changer complètement de vie, abandonner l’écriture et chercher dans l’aventure, l’exotisme et le négoce des armes la clef secrète qui permet, comme il le disait dans ses premiers poèmes, de « s’évader de la réalité ».
Pas étonnant que ces deux trublions, aux mœurs et aux écrits sulfureux, soient entrés dans la légende.
Sur l’image, Paul Verlaine est en bas à gauche et Arthur Rimbaud est à ses côtés.
Tags : poesie, baudelaire, pistolet, Rimbaud, Bruxelles, poemes, tirer, paul, legende, verlaine, arthur, parnasse
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Commentaires
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Merci Hubert pour ces éloges qui font toujours plaisir. Ce n'est pas l'envie qui me manque pour publier plus d'articles sur ce blog mais le temps car je suis très occupé par ailleurs. Mais je ne l'abandonne pas. Papyves.Soleil et Chair
Sur le site : www.poemes-et-illustrations.fr on peut trouver des illustrations de poèmes de Rimbaud ainsi qu'un de Baudelaire, les autres poèmes illustrés sont de l'auteur des dessinsillustrations de poemes de Rimbaud
sur le site : www.poemes-et-illustrations-.fr on peut trouver des illustrations de "Soleil et Chair" et de "l'étoile a pleuré rose" de Rimbaud ainsi qu'une illustration d'un poème de Baudelaire et d'autres de poèmes de l'auteur des dessinssPoésie
Merci Waldman pour ces quelques lignes et ces évocations poétiques, superbement illustrées de collages originaux.
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Merci et bravo pour cette bonne idée de blog. Je suis assez nulle en histoire et le regrette. J'aime beaucoup la façon dont vous l'abordez et votre esprit de synthèse. Je reviendrai vous lire.. J'espère que vous aurez envie de continuer encore longtemps..