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Ems et la dépêche explosive
Lorsque la reine espagnole Isabelle II, exilée en France,
abdique en 1868 à la suite d’une révolution,
la couronne d’Espagne cherche un prétendant
auprès des cours européennes. Le général Joan Prim,
régent, se met en quête d’un Roi qui pourrait plaire à tout le monde.
Il trouve enfin, en 1869, un prince disponible,
Léopold de Hohenzollern-Sigmaringen,
petit-cousin du roi de Prusse, Guillaume 1er.
Léopold hésite mais avec l’accord de Guillaume 1er
et, surtout, l’insistance de son chancelier,
le Comte Otto von Bismarck, il accepte en Juin 1870.
La France, émue d’une possible reconstitution de l’empire
de Charles-Quint, avec une même famille Hohenzollern en Prusse,
en Espagne et en Roumanie, fait savoir par son ambassadeur
que cette perspective n’est pas de son goût.
Les esprits s’échauffent.
De son côté, Bismarck, homme rigide et à poigne,
rêve d’une fédération des différents états
allemands, soumis derrière le plus puissant
d’entre-eux, la Prusse.
Quoi d’autre qu’une bonne guerre pour
souder derrière soi des Etats disparates,
ceux du Sud notamment ?La « dépêche d’Ems » va lui en
offrir l’occasion.Voici comment :
Le roi de Prusse Guillaume 1er, qui
prend les eaux à Bad Ems,
reçoit l’ambassadeur français
Vincent Benedetti et, conciliant, concède
que, si Léopold est d’accord, il approuvera
le retrait de cette candidature.Le 12 Juillet 1870, après que
celui-ci a envoyé une lettre au
roi, le père de Léopold télégraphie
à l’ambassadeur espagnol que son fils
retire en effet sa candidature au
trône d’Espagne.Guillaume envoie, de son côté, son aide
de camp informer Benedetti et lui
préciser que « par là, sa Majesté
considère l’affaire comme liquidée ».Mais le duc de Gramont, nouveau
ministre des Affaires étrangèresde Napoléon III, défavorable à la
Prusse, demande à Benedetti d’obtenir, en
bonne et due forme, c’est à dire par écrit,
l’assurance du roi Guillaume 1er qu’il
garantit la ferme renonciation du prince
de Hohenzollern. L’ambassadeur
Benedetti se fait reconduire poliment.C’est au cours du dîner qu’il
partage avec son chef d’état-major,von Moltke, et son ministre de la
Guerre, von Roon, que Bismarck reçoitun télégramme de Bad Ems qui relate,
en termes neutres, l’entrevue du matin,
la lettre du prince et la visite de l’aide
de camp à Benedetti.Le rusé chancelier voit l’aubaine qu’il
peut tirer de ce télégramme
qu’il va condenser en une dépêche
brève et sèche, voire humiliante.« Ems, 13 Juillet 1870. Après que les nouvelles
de la renonciation du prince héritier
de Hohenzollern eussent été communiquées au
gouvernement impérial français par le gouvernement
royal espagnol, l’ambassadeur de France a
exigé encore de Sa Majesté, à
Ems, l’autorisation de télégraphier à Paris que
Sa Majesté le roi s’engageait pour
tout l’avenir à ne plus jamais
donner son autorisation, si les Hohenzollern
devaient à nouveau poser leur candidature.Là-dessus, Sa Majesté le roi a
refusé de recevoir encore une fois
l’ambassadeur et lui a fait dire,
par l’adjudant de service, que Sa
Majesté n’avait plus rien à communiquer
à l’ambassadeur ».Ce texte, dit Bismarck à von
Moltke, produira « sur le taureau gaulois
l’effet du chiffon rouge ».Il avait vu juste :
A Berlin, c’est l’indignation, le mot
« exigé » ne passe pas. « Comment ose-t-on
traiter notre roi ? ». A
Paris, c’est pire. Faire reconduire
notre ambassadeur par « l’adjudant de service »est offensant. En fait, Bismarck qui connaît
les nuances de la langue française
a volontairement employé « adjudant »pour « aide de camp ». Gramont est offusqué :
« Vous avez devant vous un homme
qui vient de recevoir une gifle ».Le 19 Juillet 1870, malgré la
réticence de Napoléon III malade, la
France déclare la guerre à la
Prusse. On connaît la suite : l’avant-garde
de Mac-Mahon bousculée à Wissembourg, que
ne peut rejoindre Bazaine, lequel s’enferme
dans Metz pendant que l’Armée de
Chalons est encerclée dans Sedan avec
l’Empereur lui-même.Capitulation dès le 2 Septembre, chute
de l'Empire ( le second ), quelques combats résiduels
et héroïques puis l’armistice avec Thiers,
refusé par la « Commune » et le traité de
Francfort qui consacrera la perte de
l’Alsace-Lorraine.Jamais, la forme et la tournure
de rédaction d’un message n’auront eu
autant de conséquences dramatiquespour notre pays.
Tags : thiers, bismarck, napoleon III, prusse, Bad Ems, dépêche dEms, reine dEspagne, isabelle II, joan Prim, hohenzollern, sigmaringen, guillaume 1er, benedetti, leopold, adjudant, gramont
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