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Le coup de Jarnac.
Malgré le ralliement de nombreux bourgeois français à la nouvelle église « réformée » créée par Luther en 1519, par dissidence de l’église romaine catholique, les deux religions se côtoient en France, sans problème pendant 40 ans. A la mort du roi Henri II, blessé dans un tournoi en 1559, c’est sa veuve Catherine de Médicis qui devient régente car leurs 3 fils aînés ont tous moins de 15 ans. Dès lors, les rivalités entre catholiques et protestants ( que l’on nomme Huguenots ) vont éclater pour gagner l’influence sur cette femme dont on ne soupçonnait pas encore le caractère bien trempé.
Tout commence par la « conjuration d’Amboise » en 1560 au cours de laquelle le prince de Condé et quelques nobles calvinistes tentent d’enlever le jeune roi François II âgé alors de 16 ans et soupçonné d’être sous l’emprise des catholiques durs de la maison des Guise. Le complot de l’enlèvement déjoué tourne au massacre. Le royaume en vivra d’autres plus sanglants, malheureusement, au cours de ces huit guerres de religion, jusqu’à l’apothéose de la Saint-Barthélemy en 1572 où des milliers de protestants seront pourfendus, au sens propre.
Les querelles et les trêves vont se succéder jusqu’à l’Edit de Nantes en 1598. En Septembre 1568 par exemple, Catherine de Médicis a le malheur d’interdire le culte réformé, ce qui met en fureur les protestants. Quelques mois plus tard, le 13 Mars 1569, les armées catholiques et huguenotes s’affrontent à Jarnac ( entre Cognac et Angoulême ). Les troupes protestantes de Coligny, moins nombreuses, sont défaites malgré l’intervention désespérée de Condé, lequel devra rendre également son épée. Mais un capitaine des gardes du futur Henri III lui tire une balle en pleine tête à bout portant, bien que le prince se fut rendu.
Cette traîtrise restera dans le langage populaire comme le « coup de Jarnac ». D’autres historiens penchent plutôt pour une filiation avec le fameux duel qui opposa, douze ans plus tôt, François de Vivonne, seigneur de la Châtaigneraie, redoutable bretteur et homme de main du dauphin Henri II, à un certain Guy Chabot, baron de Jarnac et objet de moqueries de la gent féminine, fruit de la jalousie entre Diane de Poitiers, maîtresse de Henri II et la Duchesse d’Etampes, maîtresse de François 1er.
En prévision du duel, duel à mort s’il vous plait, Chabot avait pris des cours, en toute discrétion, auprès d’un escrimeur italien des plus fameux. Celui-ci lui enseigna une « botte secrète » pour venir à bout de son rival sur le pré de Saint-Germain en Laye. Grâce à cela, La Châtaigneraie, qui se voyait déjà vainqueur, ne vit pas venir ce coup de revers et il eut le haut du mollet tranché, ce qui en fit le grand perdant de par le « jugement de Dieu », d’autant que Chabot lui laissa la vie en même temps que la honte.
Ce qui était donc un coup habile et porté par surprise, donc un fait d’escrime glorieux, est devenu, par distorsion de sens, une basse manœuvre de félonie, une traîtrise, un coup tordu.
Les duels d’honneur, au sabre ou à l’épée, bien qu’interdits en maintes périodes, continueront jusqu’à une date bien avancée de notre histoire. On se souvient du duel à l’épée qui opposa les colonels Henry et Picquart au moment de l’affaire Dreyfus. Le dernier ayant opposé, à Neuilly en 1967, le député-maire de Marseille, Gaston Deferre, à un autre parlementaire, Roger Ribière, que le premier avait traité « d’abruti ».
Le pauvre Ribière sera vaincu deux fois, par le verbe et par l’épée.
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Commentaires
La Jante
Merci Patrick pour cette remarque sur la gent féminine. Je suis, moi aussi, très sensible à la précision de la langue. Bonne chance pour le dossier Mémoriam.
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Ah! Jarnac! Pas bien loin d'ici, avec son eau de vie, son cimetière et ses légendes. Je pencherai plus pour la seconde explication, celle du sieur Chabot. Mais je ne suis pas historien. En revanche cher Yves, on n'écrit pas gente féminine au sens de population mais gent (sans "e"; gens au pluriel). Gente ayant le sens de gentil, joli. Mais l'erreur est passée dans les mœurs et c'est bien dommage.