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Vive le Québec libre !
<?xml:namespace prefix = o ns = "urn:schemas-microsoft-com:office:office" /><o:p> </o:p>Plus encore que John F. Kennedy ( Ich bin ein Berliner ), le Général de Gaulle avait l'art consommé des petites phrases et des effets de style. Ses mots ont toujours été réfléchis et choisis à dessein. On se souvient du « Je vous ai compris » prononcé le 04 Juin 1958, au balcon de l'hôtel de ville d'Alger.
Au Canada, dans la « belle Province » du Québec, une autre petite phrase va faire l'effet d'une bombe, en 1967. C'est l'année du centenaire de la Confédération canadienne et de Gaulle sait qu'il sera invité mais il pense que les Français sont là-bas des citoyens de seconde zone, les vassaux de la reine d'Angleterre, ce qui lui est insupportable. Il veut se rendre au Québec et trouve le prétexte de l'invitation de Daniel Johnson, Premier ministre du Québec, qui le prie à l'Exposition universelle de Montréal. Le Général hésite car une foire n'est pas le meilleur endroit pour faire un coup politique mais s'y rend finalement avec, rapporte Alain Peyrefitte, l'idée suivante en tête : « Nous n'irons pas fêter à Montréal le centenaire de la Confédération canadienne, comme le voudraient les Anglais du Canada et les fédéraux. Si nous y allons, ce sera pour fêter 200 ans de fidélité des Canadiens français à la France ».
C'est à bord du Colbert, navire-amiral de la flotte de l'Atlantique, et non pas en avion ( qui l'aurait obligé à se poser à Ottawa ) que de Gaulle fait la traversée de l'océan. Après une escale française à Saint-Pierre-et-Miquelon, il confie au colonel Desgrées du Lou, l'un des aides de camp « On va m'entendre là-bas. Je vais en surprendre plus d'un ... ». Le 23 Juillet, le Colbert mouille au pied de la citadelle de Québec où Daniel Johnson et le Gouverneur général du Canada accueillent un Charles de Gaulle en tenue de général. La foule se tait au « God save the Queen » mais chante « La Marseillaise » à pleins poumons. Le ton du séjour est donné.
Après la ville de Québec, de Gaulle entreprend le lendemain, 24 Juillet 1967, son voyage vers Montréal en suivant le « Chemin du Roy », sur la rive Nord du fleuve Saint-Laurent en passant par Trois-Rivières. Tout le long, la foule est nombreuse et brandit des pancartes « Québec libre » à chaque arrêt. Les discours du général s'animent au fur et à mesure qu'il progresse vers Montréal et l'accueil dans la ville est impressionnant. « Vive de Gaulle », « Le Québec aux Québécois ». C'est véritablement une ville française qui tend la main à cet invité de marque qui se présente, vers 19h30, à l'hôtel de ville où l'attend le maire Jean Drapeau, fédéraliste convaincu.
En sortant de l'ascenseur, le général entend les clameurs de la foule et veut aller les saluer par le balcon mais Drapeau l'entraîne de l'autre côté où l'attendent les notables de la ville. De Gaulle suit son idée et se présente au balcon décoré des trois couleurs. Sûr de lui, Drapeau annonce au général que le micro n'est pas branché et qu'il ne peut pas leur adresser la parole mais de Gaulle suit le fil et s'apprête à le brancher lui-même lorsqu'un technicien le devance.
« C'est une immense émotion qui remplit mon cœur en voyant, devant moi, la ville de Montréal française. Au nom du vieux pays, au nom de la France, je vous salue. ... » et il parle du développement et des progrès accomplis par la ville, de la confiance des Français, de son ami Johnson, des élites québécoises qui pourront bientôt aider la France. « ...La France entière sait, voit, entend, ce qui se passe ici ... Vive Montréal ! Vive le Québec ! ». Une pause pendant laquelle les ovations reprennent puis « Vive le Québec libre ! ». ( voir la vidéo ) « Vive le Canada français et vive la France ! ». C'est du délire dans la foule où les drapeaux bleus et blancs s'agitent.
Il avait promis qu'on allait l'entendre, on l'a entendu. En quittant le balcon, le général aperçoit la mine inquiète de Couve de Murville, ministre des Affaires étrangères, qui doit imaginer les suites diplomatiques de ces quatre mots qui ont fait connaître le Québec de par le monde. En effet, à Ottawa, on est furieux et on n'apprécie pas du tout car « Vive le Québec libre » est exactement le slogan du Rassemblement pour l'indépendance nationale, RIN, futur Parti Québécois, séparatiste, que fondera René Lévesque un an plus tard. La presse anglaise se déchaîne, le Premier ministre du Canada, Lester B. Pearson, considère ces propos « inacceptables » comme un affront et annule la visite prévue à Ottawa. Les relations entre le Canada et la France ne s'amélioreront qu'après la démission de Charles de Gaulle en 1969.
Pourquoi avoir prononcé ces paroles ? Contrairement à ses intentions envers l'Algérie, il a toujours été clair sur sa vision du devenir de la Province. « Le Canada français deviendra nécessairement un Etat et c'est dans cette perspective que nous devons agir ».
Il n'a pas improvisé ce discours, même s'il n'était pas prévu, sauf peut-être la phrase inspirée par l'enthousiasme de la foule : « Ce soir, ici et tout le long de ma route, je me trouvais dans une atmosphère du même genre que celle de la Libération ... ». De Gaulle a toujours minutieusement préparé et appris par cœur les moindres de ses interventions. Ce n'est donc pas sous le coup de l'émotion qu'il aurait « dérapé ». De retour en France, il lâchera « il fallait bien que je parle aux Français du Canada, nos rois les avaient abandonnés ». Et à son gendre : « C'est la dernière occasion de réparer la lâcheté de la France ».
Pourtant, l'effet politique sur le long terme, voulu par de Gaulle, n'aura pas lieu. Contrairement à 1997, où le 30ème anniversaire de ce discours avait été largement célébré, en présence de Pierre Mesmer et de Philippe Seguin, le 40ème anniversaire en 2007 s'est fait très discret, même du côté du Parti Québécois, comme si la question de la souveraineté n'était « pas morte mais pas forte ». Bravo quand même, les cousins, pour votre constance et votre fidélité !
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