• Pic de la Mirandole

    Entre la France qui se relève de la Guerre de 100 ans et l'Empire turc de Constantinople, l'Italie de la Renaissance, en 1463, est divisée en principautés rivales. En février de cette année 1463, nait Giovanni Pico, fils d'un petit prince du duché de Ferrare. Par sa naissance, le jeune Giovanni est déjà Comte della Mirandola e Concordia. Faisons simple et appelons-le Jean Pic de la Mirandole.

    C'est un petit surdoué qui accapare les atouts : beau, riche, noble, intelligent, beau parleur, ayant une fabuleuse mémoire, ce qui lui permettra d'assimiler rapidement plusieurs langues étrangères orientales, du moins le laisse-t-il croire. A 14 ans, il entre à l'académie de Bologne et en sort, deux ans plus tard, spécialiste du droit canon. Passionné par la lecture des textes grecs anciens de l'Antiquité que l’on redécouvre à cette époque, il décide de s'instruire dans tous les domaines de la connaissance et entreprend un tour des universités les plus grandes de Rome jusqu'à Paris. Ce faisant, il se lie d'amitié avec des philosophes et des théologiens, tentant avec eux de concilier la philosophie de Platon et la théologie chrétienne et il se constitue une riche bibliothèque, vite réputée. Impressionnés par sa jeunesse, son éloquence et sa culture, les plus grands maîtres de l'époque l'invitent à leur cour. C'est ainsi qu'il est reçu par le roi de France Charles VIII et par le souverain de Florence, Laurent de Médicis dit le magnifique. C'est, en effet, de cette petite république de Florence qu’irradie le mouvement de la renaissance italienne.

    Pic de la Mirandole est curieux de tout, poésie, mathématiques, astronomie, littérature, arts, ésotérisme et surtout de sciences. Il écoute et lit les grandes thèses qui expliquent le monde, les sociétés, et en fait mentalement la synthèse qu'il délivre ensuite à des auditoires ébahis de tant de culture. Dans sa quête pour tout embrasser, il ne va cependant pas au fond des choses mais, charmé lui-même par les compliments qu'il reçoit, il se laisse persuader qu'il a acquis, à 23 ans, la connaissance générale de toute chose de son temps.

    Il lance alors un immense défi aux philosophes et théologiens les plus réputés de la Chrétienté qu'il convoque, à Rome s'il vous plaît, afin de les rallier à ses thèses, ou plutôt ses synthèses. Il en écrit 900 sur tous les domaines connus et, en guise d'introduction, rédige un discours « De la dignité de l'homme » qui restera célèbre, bien qu'il ne l'ait jamais prononcé oralement, et qui place l'homme au centre de l'univers, comme un condensé des qualités des autres êtres vivants mais avec, pour lui seul, la capacité de se déterminer vers un avenir qu'il peut façonner en bien ou en mal. L'homme seul, en effet, dit-il, possède le libre arbitre qui le fait être l'artisan de son propre destin.

    Ce sera un échec car, même s'il leur payait le voyage, très peu de savants répondirent à son invitation et, surtout, ses assertions déplurent à la commission papale qui en trouva 13 hérétiques. En refusant de se parjurer, Pic indisposa le Pape Innocent IV qui ne pourra que l'excommunier. On est en 1484 et Giovanni Pico s'enfuit à Paris. Mais en France non plus, on ne rigole pas avec des textes hérétiques et il est arrêté, emprisonné au donjon de Vincennes pour quelques mois. C'est Laurent de Médicis qui l'invitera à nouveau à Florence et le protégera jusqu'à sa mort en 1492. La disparition de ce prince florentin, rude en affaires mais qui aimait les arts, laissera la place à un moine intégriste et visionnaire, Savonarole, qui veut libérer la ville de Florence, clergé compris, de toute la débauche où elle se complaît depuis si longtemps. Ses méthodes trop brutales, cependant, pour éradiquer le luxe, notamment un grand autodafé de livres et de bijoux, récoltés de force, lui vaudront d'être pendu puis brûlé en 1498 par une population excédée.

    Entre-temps, ce Raspoutine italien avait su se faire un ami de Pic de la Mirandole qu'il accompagnera jusqu'à être à son chevet le jour de la mort de cet érudit, à 31 ans, le 17 novembre 1494, le jour même de l'entrée des Français dans la ville de Florence.

    On conservera de cet humaniste doué son érudition forcenée que ses contemporains raillèrent cependant en lui trouvant un côté trop superficiel. Pascal dira de lui qu'il se faisait fort de discourir « de toute chose connaissable », ce à quoi Voltaire ajoutait « et de quelques autres en plus ». Mauvais procès de jaloux, sans doute.


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  • Commentaires

    1
    Dimanche 17 Novembre 2013 à 06:41
    Empire Ottoman
    Un point de détail marginal, mais puisqu'on est là pour s'instruire ! A l'époque de Pic de la Mirandole, il convient bien de parler de l'Empire Ottoman, qui a perduré de 1299 à 1923. L'Empire byzantin a cessé d'exister en 1453, donc 10 ans avant la naissance de notre héros, avec la chute de Constantinople, prise justement par les Ottomans, le 29 Mai 1453. La république de Turquie est créée le 24 Juillet 1923 par le Traité de Lausanne. Aucun rapport ? Je suis d'accord ! Juste pour te montrer que je reste un lecteur assidu. Amitiés Gilles
    2
    Papyves1 Profil de Papyves1
    Dimanche 17 Novembre 2013 à 12:07
    Turquie
    Tu as raison Gilles, il faut dire Ottoman mais j'ai voulu simplifier, après avoir parlé de France et d'Italie qui n'étaient pas non plus unifiées. Merci pour cette précision.
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