• Marat et Charlotte Corday

    Depuis l’âge de 13 ans, la jeune Charlotte Corday, reçoit une éducation et une instruction nettement au-dessus de la moyenne, au sein de l’abbaye royale de Caen où son père, petit noble déchu de Normandie, l’a placée. Descendante du grand Pierre Corneille, elle lit Rousseau et Montesquieu et se forge une culture philosophique et politique. C’est l’époque de la Révolution française où Girondins et Montagnards s’affrontent à l’assemblée de la Convention nationale sur les moyens de maintenir les acquis révolutionnaires.

    Le roi Louis XVI, déplacé de Versailles au Palais des Tuileries, où il demeure sous surveillance, est complètement discrédité après la triste équipée jusqu’à Varennes en 1791. Il ne mesure pas les changements attendus par le peuple.

    Le 10 août 1792, l’assaut des Tuileries, donc l’assaut de ce qui reste d’autorité royale, par les sections de Sans-culottes parisiens, consomme la monarchie et renforce l’opposition des députés Montagnards ( ainsi appelés car ils siégeaient en haut de l’hémicycle ) alliés du peuple et favorables à des mesures draconiennes, face à des députés Girondins ( du nom du département d’origine de plusieurs d’entre-eux ), majoritaires mais moins vindicatifs. Quelques mois plus tard, en juin 1793, c’est l’assemblée elle-même que des milliers de parisiens armés assiègent en réclamant l’arrestation des députés girondins, accusés de vouloir stopper la révolution après la victoire de Valmy. Trente Girondins sont ainsi arrêtés puis guillotinés, d’autres s’enfuient en province.

    C’est lors de réunions politiques organisées à Caen par ces proscrits, dont le député Barbaroux, que Charlotte découvre avec indignation qu’un certain député jacobin de la Montagne, Jean-Paul Marat, se félicite de ces massacres, ce qu’il confirme d’ailleurs dans son quotidien «  L’ami du peuple ». La jeune fille romanesque prend alors la décision d’éliminer Marat. Un parent dira d’elle plus tard : «  On ne pouvait pas la contrarier, c’était inutile, elle n’avait jamais de doutes, jamais d’incertitudes. Son parti une fois pris, elle n’admettait plus de contradiction ».

    Fermement décidée, Charlotte Corday apprend que Marat, malade de la peau, ne parait plus à la Convention et se soigne longuement chez lui, au numéro 20 de la rue des Cordeliers. Elle se rend à Paris et, le 13 juillet, tente de se faire accepter à son chevet, sans succès. Il lui vient alors l’idée de lui rédiger un mot : «  Je viens de Caen, votre amour pour la patrie doit vous faire désirer connaître les complots qu’on y médite. J’attends votre réponse ». Celle-ci ne venant pas, elle rédige un second billet qu’elle décide de porter elle-même dans la demeure de Marat. On la repousse d’abord mais l’écho de l’altercation vient aux oreilles du député qui, se souvenant du premier billet, ordonne de loin qu’on la laisse monter.

    Charlotte trouve, dans la chambre, un homme torse nu, à moitié allongé dans sa baignoire et occupé à écrire sur des feuillets que supporte une planche. Il la questionne sur la situation en Normandie puis lui demande les noms des députés réfugiés à Caen qu’il note soigneusement. Enfin, achevant ses écrits, il clôt ainsi l’entretien : «  C’est bien, avant huit jours, ils iront tous à la guillotine ». Ces derniers mots achèvent de convaincre Charlotte que son geste doit être exécuté et elle sort des plis de sa robe, le couteau acheté le matin même, plonge celui-ci avec force dans la poitrine de Marat qui la regarde éberlué avant d’appeler au secours.

    Charlotte Corday ne s’enfuit pas, elle reste sereine pendant qu’on l’arrête et songe aux mots qu’elle a écrit pendant le voyage et qu’on trouvera dans ses habits : «  … déjà le plus vil des scélérats, Marat, dont le nom seul présente l'image de tous les crimes, en tombant sous le fer vengeur, ébranle la Montagne et fait pâlir Danton, Robespierre, ces autres brigands assis sur ce trône sanglant, environnés de la foudre, que les dieux vengeurs de l'humanité ne suspendent sans doute que pour rendre leur chute plus éclatante, et pour effrayer tous ceux qui seraient tentés d'établir leur fortune sur les ruines des peuples abusés ! … Si je ne réussis pas dans mon entreprise, Français ! Je vous ai montré le chemin, vous connaissez vos ennemis; levez-vous ! Marchez ! Frappez ! … »

    Malheureusement, ce geste n’aura pas le but escompté, c'est-à-dire l’arrêt des tueries arbitraires, mais il sera suivi, hélas, de la Terreur dès le mois de septembre, voire de la Grande terreur que le Comité de Salut public et Maximilien de Robespierre mettront un zèle à mettre en œuvre. L’overdose de guillotine ne prendra fin qu’à la chute de Robespierre lui-même et avec la victoire de Fleurus qui redonnera espoir de stabilité à la Nation.

     


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