-
Henri IV et Ravaillac
Lorsque François Ravaillac est mené Place de Grève pour y être supplicié d’horrible manière, il aura ces mots énigmatiques qui sèmeront le doute sur la version officielle de l’assassinat d’Henri IV qu’il venait d’effectuer, seul dit-on : « On m’a bien trompé quand on m’a voulu persuader que le coup que je ferais serait bien reçu du peuple … ». A-t-il agi seul ou était-il le bras armé d’une conspiration de régicides ? La réponse fait encore débat tout comme celle de l’assassinat de John-Fitzgerald Kennedy par Lee Harvey Oswald, en 1963.
Depuis la signature, douze ans plus tôt, de l’édit de Nantes, prônant la réconciliation entre Catholiques et Réformés huguenots après 30 ans de guerres de religions, un climat de profonde hostilité au monarque régnait, en effet, dans les milieux catholiques ultra, les « ligueurs » ( héritiers de la Sainte Ligue ) et une rumeur persistante, alimentée notamment depuis les Pays-Bas espagnols, annonçait comme certaine la mort prochaine du roi.
Dans les campagnes, l’amnistie proclamée n’est pas du goût de tout le monde et les rancœurs sont tenaces. A Angoulême, par exemple, des prêtres manifestent leur opposition à ce qu’ils considèrent comme une trahison du roi. C’est dans ce climat que grandit un fils de bonne famille très pieuse, François Ravaillac. Fanatisé par les sermons du chanoine Guillebaud, son précepteur, le jeune homme, un peu illuminé, se persuade de la nécessité de tuer le roi et monte à Paris en 1609 pour réaliser son crime.
Le 14 Mai 1610, au lendemain du couronnement de la reine Marie de Médicis à Saint-Denis, Henri IV quitte le Louvre pour rendre visite, dans l’Est de Paris, à son ami Sully, malade. Ce n’est pas très loin et il n’a pas jugé nécessaire de faire escorter le carrosse royal de la Garde à cheval. Las, en s’engageant rue de la Ferronnerie, près des Halles, le carrosse est bloqué par une charrette de foin et une autre de vin qui barrent la route. Les valets descendent du marchepied où ils se tenaient pour faire évacuer les charrettes. Ravaillac, qui avait suivi le carrosse depuis le Louvre, n’attendait que cela. Il se hisse sur un rayon de la roue, passe le bras par-dessus le duc d’Epernon et frappe le roi à la poitrine de plusieurs coups de couteau. Il est aussitôt maîtrisé et aurait été lynché sans l’intervention du duc d’Epernon qui somme la foule de lui laisser la vie, pensant sans doute obtenir de ses aveux le nom des commanditaires. On le conduit à l’Hôtel de Retz où il est questionné avec rudesse.
Le 27 Mai, après un procès bâclé, le condamné arrive place de Grève pour y être écartelé comme le veut la règle pour un régicide. Auparavant, on lui tenaille la poitrine et tout le corps, on verse du plomb fondu sur les blessures et on lui brûle la main avec du souffre. Mais Ravaillac est un rude gaillard, un colosse à la barbe rousse et à la stature imposante. Il résiste aux tortures multiples sauf aux quatre chevaux qui vont étirer ses membres.
A-t-il agi seul ou poussé par des comploteurs ? Le « vert-galant » était tombé amoureux, à 54 ans, d’une gamine de 14 ans, Charlotte de Montmorency, qu’il avait aperçue court vêtue alors qu’elle répétait le Ballet de la Reyne. Il la marie au prince de Condé, homosexuel, et échange avec la jeune nymphe une correspondance enflammée. Mais Condé enlève son épouse et gagne Bruxelles, terre espagnole et catholique, sans permission royale. Celui qu’on nommera le « bon roi » lève alors trois armées contre le gouverneur des Pays-Bas espagnols, l’archiduc Albert de Habsbourg, soupçonné de rassembler tous les exilés protestants enragés et hostiles à l’édit de Nantes, donc au roi, ce « tyran d’usurpation ». En passant par Bruxelles, Henri IV pourrait ainsi récupérer sa dulcinée. De cet épisode date la rumeur d’un complot flamand. Ravaillac n’était-il pas revêtu d’un habit vert à la mode flamande, au moment des faits ?
Mais la reine, qui butait à chaque pas sur les maîtresses du roi, n’avait-elle pas les motifs de s’en prendre à lui ?
Tous les opposants, de tout temps, rêvent de tuer celui qui détient le pouvoir. D’ici à passer à l’acte, il y a une marge ! …
Tags : catholiques, Complot, Bruxelles, kennedy, ravaillac, Flamand, henri IV, Condé, oswald, huguenots, médicis, vert galant, bon roi, régicide, réformés, guerre de religions, écartelé, Sully
-
Commentaires