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En Haïti, on parle Français.
A moins de 1.000 km des Etats-Unis et uniquement séparée de la Floride par Cuba, Haïti est la partie occidentale ( en forme de pinces de crabe ), la plus pauvre, de l’île de Saint-Domingue qu’on nomme encore Hispaniola ( la Petite Espagne ) depuis que Christophe Colomb la baptisa ainsi en 1492. La partie orientale étant la République dominicaine. Alors, pourquoi y parle-t-on le Français et non l’Anglais ou l’Espagnol ?
Tout simplement parce que c'était une colonie française !
Les premiers indigènes, quelques milliers d’Arawaks et de Caraïbes ( d’où le nom de l’archipel ), avaient nommé leur île Ayiti, la terre de rocailles ou de montagnes. Ils seront décimés au XVI° siècle par les Espagnols qui exploitaient les gisements d’or. Le minerai jaune se faisant rare, les colons abandonnent la partie Ouest de l’île aux flibustiers anglais, néerlandais ou français, pour rechercher de l’or dans la partie Est. Les pirates et boucaniers français se concentrent alors sur l’île de la Tortue, au Nord, qu’ils utilisent comme base arrière pour éliminer petit à petit leurs rivaux et établir sur la Grande Terre des bases, comme la première capitale Cap-Haïtien fondée en 1670, qui seront l’origine des grandes villes actuelles. Comme la France de Louis XIV est plus riche et politiquement plus puissante que l’Espagne, elle investit massivement dans le développement de plantations et l’importation d’esclaves pour les faire fructifier. La production sucrière devint alors la première richesse de l’île, avant le café.
Lors du traité de Ryswick en 1697, l’Espagne reconnaît à la France la possession du tiers de l’île, dans sa partie occidentale, qui devient de fait la Colonie française de Saint-Domingue ( Le Haïti actuel ). Dès lors, le Français s’installe officiellement malgré le Créole que parlent tous les esclaves noirs puisqu’on leur interdisait d’utiliser leur langage africain d’origine.
En 1789, à la veille de la Révolution française, moins de 50.000 blancs exploitaient 700.000 esclaves noirs et mulâtres ( métis de noirs et blancs ) dans de grandes exploitations dont la production traversait l’Atlantique vers l’Europe. La révolte des noirs, sous la conduite de chefs comme Toussaint-Louverture ( le premier Général noir français ), Dessalines ou Pétion, fut une véritable guerre de libération. Ravagée par la fièvre jaune, la force expéditionnaire envoyée par Bonaparte pour y faire face, dut capituler en 1803. C’est cette guerre perdue qui forcera Napoléon Bonaparte à confirmer l’abolition de l’esclavage et à abandonner la Grande Louisiane aux Etats-Unis pour une bouchée de pain. « A quoi me sert de conserver la Louisiane si je ne peux garder Saint-Domingue ».
En Janvier 1804, Dessalines proclame l’indépendance de la première république noire et se déclare cependant Empereur. La colonie française disparaît, donnant naissance à Haïti mais la langue française reste celle des affaires ( elle deviendra langue officielle, aux côtés du créole, en 1918 ).
Politiquement, on connaît la suite, l’occupation musclée des Américains de 1915 à 1934, les juntes militaires, la dictature des Duvalier, père et fils, « Papa-Doc et Baby-Doc », les Tontons Macoutes, la presque parenthèse du prêtre Aristide de 1990 à 2004, le retour des premiers Marines américains, avant-garde d’une force internationale de l’ONU pour ramener l’ordre à Port-au-Prince. Et toujours la misère inacceptable de la population qui pourrait passer de 9 à 20 millions dans 10 ans. Un tel état de fait, avec un chômage à 60 %, un produit intérieur brut par habitant de 470 dollars US quand celui des Américains, leurs presque-voisins, est de 45.000 dollars fera craindre bientôt aux Américains qu’une poudrière s’installe à leur porte. Sans doute, la formidable armada US, qui se met en place depuis le terrible tremblement de terre du 12 Janvier 2010, pour humanitaire et sécuritaire qu’elle soit à l’origine, va-t-elle s’orienter vers un programme de reconstruction et de stabilisation sociale afin de refermer le couvercle de cette marmite.
Dans ces conditions, hypothétiques j’en conviens, la langue française parlée en Haïti, risque de n’être plus qu’un souvenir dans quelques générations. Tant pis pour la Francophonie mais tant mieux pour les Haïtiens si leur niveau de vie augmente.
Tags : caraibes, français, cuba, Noirs, colonie, louisiane, esclaves, colomb, Haiti, creole, napoleon bonaparte, duvalier, macoutes, mulatres, saint-domingue, flibustiers, port-au-prince
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Commentaires
Bonjour Yves, ben oui on peut conclure comme cela, ce qui démontre aussi, les faiblesses de l'Europe et de la France en tête dans les relations post-coloniales. Nous portons de lourdes responsabilités dans les malheurs de ces pays. Espérons que le fait de devenir anglophones leur apportera un plus, je crains que de ce côté là nous ne puissions ne rien affirmer aussi.