• 77 secondes pour Ermenonville

     En ce dimanche ensoleillé du 03 mars 1974, un avion DC-10 de la compagnie THY Turkish Airlines en provenance d’Istambul, immatriculé TC-JAV, se pose à moitié vide sur l’aéroport de Paris-Orly à 10 h 02. Il est à destination de Londres et débarque une cinquantaine de passagers seulement sur les 167 qui se trouvent à bord. De ce fait, l’escale ne devrait pas durer longtemps. Mais une grève de la BEA, British European Airways, future BA, oblige l’équipage à accepter de prendre 216 voyageurs britanniques supplémentaires (pour la plupart des supporters du match de rugby France-Angleterre de la veille) qui seraient, sans cela, bloqués en France.

    Les opérations logistiques et l’emport des bagages de ces nouveaux passagers prennent ainsi plus de temps et le personnel technique se presse pour ne pas aggraver le retard sur l’horaire prévu. Enfin, vers 10 h 35, la dernière porte de soute arrière est fermée, les voyants dans la cabine s’éteignent et le vol 981 peut commencer à rouler vers la piste 08. L’équipage turc est compétent et n’a jamais eu d’incident grave, les conditions météo sont bonnes.

    A 11 h 30, le MC Donnell Douglas décolle de Paris-Orly (ORY/LFPO) plein Est pour éviter le survol de Paris, à destination de London-Heathrow (LHR/EGLL) au Royaume Uni. Ayant atteint le niveau 60 au dessus de Meaux, il lui est demandé de virer à gauche vers le point de report Montdidier, toujours en montée vers le FL 230. Tout va bien à bord.

    Tout à coup, un bruit de détonation surprend l’équipage puis l’alarme sonore « pressurisation » se déclenche en même temps qu’un violent bruit de fond, celui de la décompression. Comprenant la situation, l’un des pilotes hurle «  la carlingue a éclaté ». L’appareil, qui n’a pourtant que 2 ans d’âge, s’incline vers la gauche et se met en piqué malgré les efforts des pilotes cramponnés aux commandes.

    C’est la porte arrière gauche de la soute qui a été arrachée et a provoqué la décompression de toute la partie inférieure de l’appareil, là où sont les bagages. Le plancher intermédiaire entre cabine et compartiment cargo est aspiré et 6 sièges avec leurs passagers basculent dans le vide. On les retrouvera avec la porte à Saint-Pathus, 15 km en amont du crash. En se déformant vers le bas, le plancher écrase les commandes de vol, notamment les gouvernes de direction, ce qui rend l’avion incontrôlable.

    Le DC-10 percute la forêt d’Ermenonville, au SE de Senlis, à 430 nœuds (environ 800 km/h) et creuse une saignée de 700 mètres sur 100 de large. 77 secondes après l’arrachement de la porte, le vol 981 ne répond plus. Les débris, y compris humains, sont innombrables et éparpillés. Ce sont 11 membres d’équipage et 335 passagers qui perdent ainsi la vie.

    L’enquête démontrera qu’une modification du dispositif de verrouillage de la porte de soute n’avait pas été effectuée sur cet avion, comme exigé par le constructeur après qu’un précédent incident de même type se soit produit, 2 ans auparavant, sur un DC-10 d’American Airlines qui avait lui aussi perdu une porte en vol au dessus de l’Ontario. Un vérin agit sur 4 broches qui enserrent une barre de verrouillage de la porte. De plus, le technicien au sol doit rabattre une poignée extérieure dans son logement pour qu’une sécurité supplémentaire empêche les broches de ressortir. C’est cette poignée défectueuse qui n’avait pas été changée.

    Le défaut avait été signalé aux compagnies mais la Federal Aviation Administration n’avait pas émis de directive de navigabilité ou de recommandation. Des familles meurtries accuseront cette procédure dite de « l’évolution de la pierre tombale », consistant à ne rien faire tant qu’il n’y a pas de morts clairement imputables au défaut constaté.

    On peut noter aussi que c’est un autre DC-10 qui sera à l’origine du crash du Concorde le 25 juillet 2000, après avoir perdu une pièce métallique sur la piste d’envol.

    Faut-il incriminer la malchance, le personnel de piste qui n’a pas vérifié par le petit hublot prévu à cet effet le bon verrouillage de la porte ou la légèreté de la compagnie  qui rechigne à changer une simple pièce mécanique ayant déjà occasionné une avarie ? Pour ma part, j’ai choisi. Les 346 morts du vol 981 de 1974, eux, n’ont pas eu le choix.

     


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