• Pétain condamné à mort.

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    Qui, comme Napoléon, croupit à la fin de sa vie enfermé dans une île, jusqu'à sa mort à 95 ans ? Qui fut Chef d'Etat français et accusé de haute trahison ? Qui est reçu à l'Académie Française et se voit confier le Ministère de la Guerre ? Qui fut condamné à mort à 89 ans, après avoir été le sauveur de la nation ? Qui a été le chef du Général de Gaulle et gracié par celui-ci ? Qui fut Maréchal de France et frappé d'indignité nationale par la justice de son pays ? Qui est choisi par Joffre pour défendre Verdun face aux Allemands ? Qui est choisi par le Parlement unanime pour recevoir les pleins pouvoirs ? Qui laissa faire la rafle du Veldiv, enrôler les Français de l'Est dans la Wehrmacht, partir les travailleurs dans les usines ennemies ? Qui reste le vainqueur de Verdun dans l'esprit de tous les Français et le collaborateur avec Hitler dans celui des politiques ?

    Philippe Pétain fut cet homme là, tant aimé et soutenu par tout un peuple, au moment de Verdun et du premier conflit mondial, puis tant haï et rejeté par les mêmes âmes déçues, au sortir de la débâcle et de l'humiliation de la seconde guerre mondiale. Car le personnage est énigmatique et complexe. Officier désigné pour effectuer les cours de tactique à l'Ecole de guerre, juste avant Foch, il est le premier à comprendre le caractère décisif de la coordination artillerie-infanterie-aviation et la nécessité de la supériorité aérienne préalable dans les conflits. Le jeune de Gaulle, affecté dans le régiment de Pétain, s'en inspirera. Il s'élève contre les offensives meurtrières du Chemin des Dames, baïonnette au canon et peste contre l'inutilité de la Ligne Maginot si elle n'est pas associée à des forces motorisées mobiles. C'est ainsi qu'il deviendra le vainqueur de la bataille de Verdun et de la voie sacrée.

    En fait, il y a deux Pétain. Le généralissime, habile tacticien, économe de la vie de ses hommes, et qui redonne le moral aux troupes affectées par les mutineries et l'obstination de quelques généraux bornés. C'est le sauveur de Verdun, adulé par tous, celui qui reçoit le bâton de Maréchal en Décembre 1918, des mains de Poincaré, à 62 ans, après avoir gravi ses étoiles au feu. Et il y a le Pétain naïf et crédule, qui a pris goût à la politique et au pouvoir, malgré l'âge avancé ( ou peut-être à cause de l'âge, il a 84 ans en 1940 ) et qui croit qu'il est possible d'oublier l'occupation ennemie pour faire table rase des difficultés en fraternisant, qui prône la révolution nationale et refondatrice. « Travail, Famille, Patrie », retour aux valeurs traditionnelles, pourvu que Hitler nous laisse nous réorganiser. Mais on ne reconstruit pas sa maison pendant qu'elle flambe.

    Le héros de 14-18 a fait place, après que les pleins pouvoirs lui soient donnés pour éviter le chaos, à la victime expiatoire qui offre son torse aux coups de l'ennemi pour éviter la perte complète de la souveraineté nationale. Mieux vaut collaborer avec le diable, dans une demie France occupée, que la soumission totale du pays à une Allemagne dont les forces sont écrasantes. Pétain croit sérieusement que, puisque les alliés ne veulent pas s'engager, l'armistice va épargner des milliers de vies humaines, va permettre de conserver la puissante flotte maritime et le vaste empire colonial que Hitler craint de ne pouvoir contrôler. La poignée de mains de Montoire est, selon lui, le prix à payer pour sauver ce qui peut l'être. Et il est suivi, politiques et fonctionnaires lui font allégeance, jusqu'aux exactions de la milice.

    Mais la victoire vient d'ailleurs, de l'extérieur où un autre général appelle à la reprise du combat, avec l'aide des Anglo-saxons qui ne peuvent rester l'arme au pied, et l'opinion se retourne à mesure que la victoire se fait plus précise. Comment ce vieux fou a-t-il pu nous entraîner dans ce déshonneur, clament ceux-là même qui l'avaient applaudi, à l'Assemblée ou dans les rues ?

    Le 14 Août 1945, on oublie de demander à l'accusé Philippe Pétain de se lever pour écouter la sentence que le Tribunal spécial, désigné parmi les parlementaires et jurés résistants, va prononcer : « condamné à mort pour intelligence avec l'Allemagne » et pour avoir « demandé l'armistice » afin de « prendre le pouvoir » en vue d'instaurer une politique dont l'objet était « de détruire ou changer la forme du gouvernement ». Condamné d'avance dans un procès à charge, avec des défenseurs courageux, tel le général Weygand, mais qu'on n'écoute pas. Puis on le destitue de son rang de Maréchal et de sa dignité nationale. C'est un vieil homme de 89 ans qui est poussé dans une cellule humide de la citadelle de la Pierre-Levée sur l'île d'Yeu où il restera, seul sans voir la mer, plus de 6 ans.

    Le plus vieux condamné du monde vit un jour arriver le directeur de l'administration pénitentiaire qui s'appelait Amor. Bien que malade, il ne put résister au plaisir d'un jeu de mots : « Amor, dit-il, Comme moi ? ».

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  • Commentaires

    1
    Jeudi 14 Août 2008 à 07:26
    il est bon...
    de rappeller l'histoire sans trop de détail, sans prendre parti...Bonne journée
    2
    Jeudi 14 Août 2008 à 14:40
    Rien que les faits
    Merci Macdonisette pour ce commentaire. Rappeler les faits, sans polémiquer ni prendre parti, n'est jamais facile surtout quand il s'agit de sujets ou de personnages controversés, comme celui-ci.
    3
    Vendredi 15 Août 2008 à 09:33
    Sur Pétain.
    Bonjour Yves, Très bon article, dont la démarche se veut historique, et pas du tout évenementielle ou partisane. Tu parles des faits, de manière dépassionnée, tout en faisant comprendre les situations du moment. Pourtant, le sujet est potentiellement polémique, et tu évites cela avec une grande maestria.
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    4
    Vendredi 15 Août 2008 à 11:49
    Caricature
    Merci Christophe pour ce commentaire sympathique. On a beaucoup caricaturé Philippe Pétain qui a eu deux périodes extrêmes dans sa vie, prouvant ainsi que les choses et les personnes ne sont jamais blanches ou noires mais grises et complexes.
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