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Les Mongols en Europe.
Il s’en fallut vraiment de peu que l’Europe ne devienne Mongole, à l’époque de Saint-Louis, des croisades et des cathédrales.
En 20 années de conquêtes sans pitié ( de 1205 à 1225 ) dans les grandes plaines de l’Asie centrale, le grand Genghis Khan, avec ses cavaliers-archers imprévisibles, avait non seulement unifié la Mongolie en proie à une quarantaine de clans nomades mais avait aussi réussi l’une des plus grandes dominations territoriales de tous les temps, battant même l’ancien conquérant Alexandre le Grand.
Après la Mandchourie, la Chine du Nord et la prise de Pékin malgré la Grande Muraille, ce seront les grandes steppes qui s’étendent du lac Baïkal à la mer Caspienne, en passant par l’Afghanistan et le royaume de Kharezm, l’Iran d’aujourd’hui.
En 1227, le grand Khan, le « souverain suprême », meurt à la suite d’une chute de cheval, à plus de 65 ans. Ses fils dont Obodeï, puis ses petits-fils vont poursuivre la conquête vers l’Ouest avec autant de succès à partir de 1235. Pour ces cavaliers nés à cheval, la traversée des immenses steppes du Caucase n’est qu’une formalité. Les voici aux portes de l’Europe et de la chrétienté avec quelques centaines de milliers de valeureux combattants et encore plus de chevaux.
Le 11 Avril 1241, en effet, les Mongols de Batû-Khan, petit-fils du grand Gengis-Khan, alliés aux Turcs, remportent une éclatante victoire, grâce à une manœuvre en tenaille, sur les troupes hongroises du roi Bela IV, à Mohi où 50.000 combattants environ sont massacrés, après les déroutes de Breslau et Liegnitz. L’Europe est à leur merci depuis la Baltique ( la Pologne est soumise ) jusqu’au Danube et à la Croatie. Vienne la capitale autrichienne n’est plus qu’à quelques dizaines de kilomètres. Jamais les hordes mongoles ne s’étaient aventurées aussi loin en occident, plus loin même que lors de la première conquête de la Crimée face aux Coumans et Russes ( pour une fois réconciliés contre l’envahisseur ).
Pourtant, malgré leur succès, ces guerriers tant redoutés vont se retirer vers l’Est. Pourquoi ? Mystère. La mort d’Obodeï, des problèmes pour nourrir leurs innombrables chevaux, ou le mal du pays ? On ne sait pas.
C’est l’organisation des troupes et la tactique mise au point par ces farouches combattants, plus que leur armement rudimentaire à base de lances et d’arcs, qui ont fait le succès de ces « razzias des plaines » comme on les appellerait de nos jours :
Attaques de flanc et sur les arrières, scission en plusieurs corps d’assaut par multiples de dix, prisonniers utilisés en premières lignes pour subir le premier choc, monte de chevaux frais changés plusieurs fois durant les combats pour surgir comme l’éclair et semer la panique dans les rangs adverses, catapultages massifs de flèches et de pierres précédant l’assaut, simulacres de repli en retraite désorganisée pour attirer l’ennemi dans le piège d’une embuscade, bateaux démontables pour franchir les cours d’eau, logistique simple et campements à base de yourtes traditionnelles, tout était tourné vers le mouvement, le harcèlement et la surprise d’où les faibles pertes enregistrées à chaque campagne.
C’est lors de la conquête de l’Iran que la férocité des Mongols a été la plus marquée : incendies des grandes cités et habitants égorgés vont faire la réputation de ces « barbares ».
Pourtant, malgré sa brutalité, Gengis Khan est considéré aujourd’hui comme une légende en Mongolie bien sûr mais il est également reconnu comme un héros national chinois, sous prétexte qu’il y a plus de mongoliens en Chine qu’en Mongolie.
Passant sous silence son côté guerrier impitoyable, on veut voir en lui celui qui a promulgué un « Yassak » en 1206, sorte de code de lois s’appliquant à tous les domaines de la vie quotidienne mongole, justice, religion, hospitalité, jusqu’à l’adultère, tout était régi et codifié.
Bref, un Napoléon avant l’heure ?
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Commentaires
Orfèvre
Bien sûr, Gilles. Dans le détail, tu as raison mais à l'échelle satellitaire ou macroscopique, un empire qui coiffe des zones s'étendant de la Mer Noire et Adriatique au Sud jusqu'à la Pologne ou Prusse au Nord, je ne pensais pas trahir l'histoire en parlant de Baltique si proche. Mais je suis toujours heureux de tes précisions d'orfèvre.3GillesSamedi 25 Avril 2009 à 04:13Mongols
C'etait aussi pour montrer que je suis toujours ton Blog avec attention malgre les parutions aleatoires! Et puis, on disant qu'on n'a jamais vu un Mongol en Lituanie, je defends ma "boutique"..... Mais tout ca ne nous dit pas pourquoi ils se sont retires inexplicablement !4Gaugain PierreMercredi 3 Juin 2009 à 07:02une question....
Bonjour Yves, Je viens d'apprendre par mon médecin que j'étais porteur de la tâche "mongoloïde", ceci se présente comme une tâche bleuâtre d'importance diverse qui se situe généralement dans la région lombo-sacrée. J'ai bien sûr recherché sur internet d'où cela pouvait bien venir, mais rien n'indique que le grand Mongol et ses guerriers y soient pour quelque chose. Malgré tout le doute persiste dans mon esprit, vos connaissances historiques pourront sans doute m'apporter un éclairage sur ce fait. Il semble que cette tâche est existante dans toutes les ethnies... Serions nous tous des descendants d'Abraham et des Asiatiques. Comme nous vivons sur le continent eurasien à première vue rien ne s'y oppose. amitié PierreMongolique
Bonjour Pierre. La tache mongolique est inoffensive et ne doit pas inquiéter les parents ni les porteurs eux-mêmes de cette simple anomalie de pigmentation de la peau. Rien à voir donc avec le caractère mongolien des enfants atteints de Trisomie 21 ( donc ayant une anomalie chromosomique ). Cette tache bénigne de naissance, dans le bas du dos, disparaît généralement avant l’âge de 10 ans mais peut subsister à l’âge adulte. C’est un cadeau que les habitants de l’Asie centrale ( proche de la Mongolie ) ont légué au génotype humain au cours de l’histoire. Pratiquement tous les Asiatiques la possèdent, comme une bonne partie des Afro-américains et de nombreux Africains. Elle est fréquente autour de la Méditerranée, notamment en Espagne. On la remarquait aussi chez les premières nations amérindiennes, preuve que les premiers occupants de l’Amérique sont venus d’Asie via le détroit de Béring. Plus rare chez les enfants blancs ( un sur dix ), elle témoigne quand même du caractère métissé des populations du monde. Amusant, les Coréens croient que c’est une claque que leur Dieu a plaqué sur la fesse du bébé pour l’aider à naître. J’aime bien cette explication.6FloDimanche 26 Juillet 2009 à 02:52Corrections
Bonjour...J'aime à lire ce que les internautes disent à propos des Mongols gengiskhanides. En effet, c'est une période de l'histoire mondiale peu connue et au combien glorieuse. Malgré mon jeune âge, je tiens pourtant à apporter certaines corrections à votre sujet. Etudiant en Histoire, je rédige actuellement un mémoire sur les premiers temps du khanat de qipchaq, autrement dit la Horde d'or. J'ai, l'année précédente, présenté un mémoire sur une lettre méconnue sur l'invasion mongole de 1236-40 en Russie. Il en va donc que les années que vous décrivez me sont particulièrement familières. Il en est de même pour les Mongols. Tout d'abord, le Caucase n'est pas une steppe mais une région montagneuse abrupte, je rappelle que c'est là que les historiens antiques plaçaient les portes de fer D'Alexandre, que l'on identifie à la passe de Derbend. Quant aux Turcs, ils ne sont en aucun cas alliés des Mongols, mais soumis à eux ce qui diffère largement dans les rapports qu'ils entretiennent avec les conquérants. Batu, dirigeant de l'ulus jochide, a soumis dans les steppes russes, les Qipchaqs appelé Coumans en occident, des nomades turcophones. Comme, il se fait dans l'armée mongole, ces Qipchaqs furent incorporés dans l'armée de Batu, s'assimilant aux conquérants. Ils sont donc soumis et non alliés. La bataille de Mohi entre Béla IV et Batu est difficile à estimer du point de vue quantitatif. Vraisemblablement, Béla IV disposait d'effectifs légèrement supérieur à ceux de Batu, le meilleur travail à ce sujet est celui de Denis Sinor, The Mongol Strategy. De plus, la Pologne n'est pas soumise. Elle ne paye pas de tribut, ne connaît pas le cens et ne fournit donc pas de contingents aux Mongols. Elle est saccagée et n'entre pas dans le giron des conquérants demeurant un pays ennemi et non un pays soumis. Les Mongols ne franchissent que tardivement le Danube et ne s'attaquent que peu aux régions occidentales de la Hongrie. Vienne voit des éclaireurs mongols parvenir jusqu'à elle, mais n'a jamais été à dix kilomètres de l'une de leurs armées. De même, la conquête de la Crimée ne débute qu'en 1239 avec semble t-il l'intervention de Siban, demi-frère de Batu. Le raid de 1223, qui voit les Mongols écrasés russes et Qipchaqs, n'a aucun but d'annexions de terres. Il est perçu par les historiens comme "une reconnaissance en force". Les rapports entre Qipchaqs et Russes sont particulièrement compliqués. Ainsi, les Kiévains sont des ennemis des Qipchaqs, mais les Souzdaliens, les russes du Nord-est, en sont des alliés. Du fait que la Russie, ou plutôt la Rus', est une myriade de principautés à cette époque, la politique n'est pas unifiée et les alliances peuvent engager des Russes contre des Russes. La retraite mongole de Hongrie est un sujet encore très discuté, j'ai moi-même une théorie qui diffère de celles actuellement proposées. La mort d'Ögödeï est à rejeter. Le professeur Jean-Paul Roux, dans Histoire de l'Empire mongol, donne les raisons d'un tel rejet et cela est très convaincant. L'armement mongol a, au contraire, une importance majeure dans leur périple. Il n'est pas rudimentaire. La conception des lances à crochet et la manière de les utiliser est fort complexe. L'arc composite et pré-contraint est une merveille de techniques et de savoir faire. Sa puissance et sa portée fait rougir l'arc long anglais en if. Pour un aperçu de l'armée mongole, le livre de Timothy May, The Mongol art of war, est l'étude la plus sérieuse. Enfin, on dit Mongols et non "mongoliens" le dernier terme fait référence à l'anomalie chromosomique. Pour finir, le Yasaq, ou Yassa, est moins un code de loi qu'un recueil des coutumes des steppes. Gengis qan apporta sa contribution au Yasaq dans le domaine militaire, mais pour le reste il ne fit que compiler les coutumes des peuples de la steppe turco-mongole. J'espère ne pas vous avoir froissé en apportant ces quelques remarques, si vous avez des remarques ou d'autres questions, faites le moi savoir sur votre blog et je vous répondrais. Très cordialement,... Flo, étudiant à la Sorbonne. ps: désolé, s'il reste encore des fautes.Historien
Merci Flo pour ces contradictions d'historien. Ce que je ne suis pas. J'essaye d'apporter un éclairage sur un évènement passé, différent dans chaque article. Vous comprenez donc que je ne peux pas être spécialiste de tous les domaines que j'aborde. Je reste en superficie et fais des erreurs que des érudits, comme vous, peuvent facilement relever. Vous noterez que le sous-titre de mon blog est "Les délires d'histoire de Papyves" car je sais que ma méthode ne fait "qu'approcher la réalité" et non la cerner complètement. Merci pour ces précisions qui auraient pu me faire rougir de honte si j'avais eu la prétention de "dire la vérité" mais ce n'est pas le cas.Les Mongols
Bonjour à vous Papyves. Je ne peux que confirmer les excellentes remarques de 'De Flo". Si les Mongols en particulier, ou les peuples nomades des steppes d'Asie centrale vous intéresse, je vous invite à consulter mon site. http://www.peuplescavaliers.be Bien à vous.9cansasJeudi 26 Novembre 2009 à 14:56Bravo !
Merci pour toutes ces lectures et informations réellement interessantes. Longue vie à ce blog. Pat.Merci
Merci Patrick pour ces éloges. J'espère pouvoir continuer à faire vivre ce blog malgré mes acticités.
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Puis-je me permettre de preciser que les Mongols (ou leurs avant-gardes Tatares) n'ont apparemment jamais atteint la Baltique ? En 1241 a eu lieu egalement la bataille de Legnica (Liegnitz) en Basse-Silesie, ou ils ont detruit l'armee d'Henri II le pieux (qui n'a pas eu le temps de devenir Roi de Pologne). Mais, la aussi, les Mongols se sont retires, pretextant la mort d'Ogodei. De meme, face au Grand-duche de Lituanie, ils n'ont pas depasse Naugardukas (Nowogrodek) et Gardinas (Grodno), deux villes aujourd'hui au Belarus. Mais je reconnais que l'epoque ne regorge pas de sources fiables ..... Cordialement. Gilles