• Le massacre de Maillé

     

    A l’été 1944, la situation des forces nazies en France est de plus en plus difficile. Les sabotages, guérillas urbaines ou attaques de convois de la part des résistants des maquis français font régner une psychose grandissante chez l’envahisseur qui devient de plus en plus nerveux. Les résistants pris les armes à la main ne sont pas considérés comme des combattants mais comme des « terroristes » que l’on peut éliminer sur le champ. En Février déjà, « l’ordonnance Hugo Sperrle » autorise les troupes allemandes à riposter aux attaques terroristes, à brûler les maisons qui les abritent, sans se soucier des pertes civiles, on dirait aujourd’hui des dommages collatéraux. Cette « Sperrle-Erlass » préconise même qu’il « faudra punir un chef trop souple car il met la sécurité de ses hommes en danger ».

    On peut estimer que ces consignes, reçues après le choc du débarquement en Normandie et la progression des Alliés, aient conforté les petits chefs locaux dans un sentiment d’avoir « carte blanche » pour effectuer des représailles.

    De fait, le 10 Juin 1944, les troupes de la Division Waffen-SS « Das Reich » rayaient de la carte le village d’Oradour sur Glane et faisaient 642  victimes. D’autres massacres suivront comme celui du Vigeant début Août.

    Lorsque les Alliés débarquent en Provence le 15 Août, Hitler comprend que ses troupes risquent d’être prises en tenaille et il ordonne, dès le 17, un repli général qui sera compliqué par le regain de vigueur des mouvements de résistance. Dès lors, pour assurer leur repli en sécurité et réagir aux sabotages, les forces de la Wehrmacht mais aussi la Gestapo ( nom commun donné aux unités de Sicherheitspolizei ou Sicherheitsdienst ) vont lutter « rücksichtlos », c’est à dire « sans égards » contre les partisans.

    Le village de Maillé, à mi-chemin entre Tours et Chatellerault, 700 habitants y compris les réfugiés, est une bourgade de Touraine qui compte, elle aussi, ses groupes de résistance, d’autant que la voie ferrée venant de Paris ( qu’il est facile de saboter ) coupe le village en deux et que des officiers allemands du camp de soutien de Nouâtre tout proche logent au village.

    Le 24 Août 1944 au soir, des résistants en cours de ravitaillement dans le hameau de Nimbré, à 1 km au Nord de Maillé, voient passer devant eux deux véhicules allemands. Ils se ruent sur leur camion qui est armé d’une mitrailleuse et attaquent les véhicules dans lesquels se trouve le Sous-lieutenant Gustav Schlüter. Celui-ci, rescapé, demande à son supérieur à Tours, le Colonel Stenger, s’il peut entamer des représailles contre ces terroristes. C’est muni de ce sésame officiel qu’il va prendre contact avec la 17° division Panzergrenadier Waffen SS « Götz von Berlichingen » basée à Châtellerault, dont l’une des unités de combat est à Antran, à 25 km seulement au Sud de Maillé.

    Le 25 Août au matin, des soldats de la Wehrmacht suivent la voie ferrée et entrent dans le village par le Nord. En même temps, une centaine d’autres de la 17° Panzer division aborde les premières fermes par l’Ouest. Un coup de sifflet et le massacre commence. Tout ce qui bouge, hommes, femmes, enfants, animaux, est exterminé à bout portant. Les soldats entrent dans les habitations, volent au passage quelques biens précieux et de l’alcool puis, s’étant assurés qu’aucune vie ne subsiste, ils mettent le feu aux maisons. Au Nord du bourg, ils trouvent encore 8 cheminots cachés dans une cave. Ils seront traînés jusqu’à la place du village en feu et fusillés.

    Dans l’après midi, c’est le canon qui prend le relais et bombarde de 80 obus le village martyr. 124 victimes seront dénombrées.

    Puis, même si le tribunal de Bordeaux, après enquête, condamne le Slt Gustav Schlüter par contumace en 1952, cet évènement tragique va tomber dans l’oubli car le 25 Août 1944, c’est aussi le jour de la libération de Paris. Alors, … comment vous dites, … Maillé ?

    En 1972, le massacre de Maillé est même légalement prescrit en France. Schlüter, jamais inquiété, décèdera en 1965 à Hambourg.

    Plus de soixante ans d’oubli jusqu’à ce qu’un procureur allemand de Dortmund, Ulrich Maass, rouvre le dossier en 2005 et entreprenne d’interroger les soldats survivants potentiels. Son enquête se poursuit encore aujourd’hui sans que l’on sache vraiment quels étaient les responsables de cette tuerie barbare.

    A Maillé, la Maison du Souvenir, inaugurée par le président Sarkozy le 25 Août 2008, témoigne de la volonté de ses habitants de perpétrer la mémoire des 124 innocents, victimes de la folie des hommes. 


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