• Le Diktat de Versailles.

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    Finalement vaincus, en 1918, par une coalition plus puissante qu'eux, les forts Prussiens et autres fiers Bavarois qui s'élancèrent à la conquête de la France en 1914, durent signer, contre leur gré, le Traité de Versailles du 28 Juin 1919, après de longues années de guerre de tranchées où les deux jeunesses se sont mutuellement anéanties. Les Français, qu'ils avaient assommés à Sedan en 1870, pouvaient prendre, grâce à l'oncle Sam, une revanche d'estime.

    Le Traité avait été préparé par les vainqueurs, Américains, Anglais et Français, du 18 Janvier au 20 Juin 1919, en fonction des intérêts que chacun voulait retirer de cette nouvelle donne géopolitique. « L'Allemagne doit payer » fut le leitmotiv de ces 6 mois de palabres délicats au cours desquels l'appétit colonial des uns le disputait au désir de revanche des autres. Et pour bien montrer de quel côté étaient les vainqueurs, on fit effectivement payer durement l'addition à l'Allemagne qui devra s'acquitter de « réparations de guerre », c'est-à-dire d'une lourde amende et sera amputée d'une partie de ses territoires. La France récupère l'Alsace-Lorraine. Les trois Empires, allemand, austro-hongrois et ottoman sont démantelés. De nouveaux Etats sont créés, tels que la Pologne renaissante qui récupère l'accès au couloir de Dantzig, la Tchécoslovaquie et la Yougoslavie. Ainsi morcelée, l'Europe centrale est de nouveau sous contrôle des « Grandes puissances » ou supposées telles. De plus, les colonies allemandes sont partagées entre le Royaume-Uni, la France et le Japon pendant que le Proche-Orient passe sous mandat français ou anglais, avec la bénédiction de la Société des Nations ( ancêtre de l'ONU ) que l'on crée à cette occasion. L'armée allemande ( en partie confisquée ) est strictement limitée en volume de moyens et la rive gauche du Rhin, y compris Köln, Koblenz et Mainz, est démilitarisée et occupée. La Sarre est sous administration internationale pour 15 ans. Plusieurs sanctions commerciales et des livraisons en nature complètent ces mesures draconiennes.

    Le lieu choisi pour la signature, la Galerie des Glaces du Château de Versailles, n'est pas innocent. Il permet de laver l'affront fait lors de la proclamation de l'Empire allemand, le 18 Janvier 1871. La date est aussi symbolique car le 28 Juin est l'anniversaire de l'assassinat de l'Archiduc autrichien François-Ferdinand à Sarajevo, geste qui a servi de détonateur pour le déclenchement de la guerre mondiale. Bien sûr, ni Llyod George l'Anglais, ni Woodrow Wilson l'Américain, et encore moins Georges Clemenceau le Français n'avaient convié les représentants allemands à cette conférence où les Russes étaient également absents pour punition d'avoir quitté la guerre en 1917. Clemenceau insiste pour de lourdes indemnités afin de financer la reconstruction en France ( de fait, celles-ci se monteront à 132 milliards de Marks-or ). Les Anglais ont soin de ne pas favoriser, en diminuant trop l'influence allemande, la prééminence française. Les Américains, enfin, dont la voix compte à la hauteur de leur effort considérable pour la victoire, cherchent à ménager l'Allemagne pour éviter la résurgence de l'esprit revanchard.

    Wilson ne croit pas si bien dire car, pour les Allemands, ces dispositions sont un « Diktat » infamant qu'ils ne peuvent accepter. « der Vertrag ist unannehmbar », irrecevable. Tenus pour « seuls responsables des dommages de guerre », ceux-ci ont le sentiment d'une profonde injustice. Malgré les efforts entrepris, l'Allemagne de Weimar ne peut pas répondre à l'oukase global, dans les délais imposés. Aussi, la France et la Belgique envahissent-elles la Ruhr, en 1923, ce qui aggrave le ressentiment populaire. Les plans US Dawes puis Young tenteront bien d'aplanir les difficultés et d'échelonner les paiements sur le long terme mais sans réel impact sur l'économie ni sur le moral.

    On ne s'étonne plus, dès lors, qu'un homme puis tout un parti politique fanatisé derrière lui, accède au pouvoir, en 1933, en revendiquant le non paiement des indemnités et le recouvrement de l'intégrité et de la dignité nationale. Hitler va accompagner la vague de colère qui montait des länder, en l'incorporant dans son programme. Redonnant espoir et fierté à des Allemands humiliés, s'appuyant sur son talent oratoire autant que sur des succès réels en politique étrangère et des réalisations sociales fort appréciées en période de récession, il va s'imposer comme le chantre d'un renouveau du nationalisme allemand qui explique son ascension fulgurante au poste de Chancelier du Reich. L'anschluss de l'Autriche apparaîtra ainsi aux Allemands comme une concrétisation logique du besoin « d'espace vital » dont parle le Führer. Le ressentiment, fort aussi en Italie qui attendait la réalisation des promesses sur l'Istrie, la Dalmatie et le Trentin, mènera, de façon parallèle, au fascisme de Mussolini.

    Le déclenchement de la seconde guerre mondiale n'est donc pas seulement l'œuvre d'un fou mégalomane mais c'est aussi le résultat prévisible d'un traité inique et du désir d'un peuple, rabaissé plus que de raison, à recouvrer sa dignité. Les militaires savent qu'on ne doit jamais acculer un adversaire traqué sans lui laisser une petite porte de sortie, sinon le désespoir décuple ses forces et il devient imprévisible.

    ( Photo : George, Orlando, Clemenceau, Wilson ).
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  • Commentaires

    1
    Samedi 28 Juin 2008 à 10:10
    Découverte
    Eh bien, que voilà une belle découverte. J'étais prof de français et d'histoire (ayant pris ma ratraite le 17 juin à 11.50h) et je suis heureux de découvrir ce blog de haute qualité. Bravo et amitiés. Jacques.
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    2
    Samedi 28 Juin 2008 à 11:27
    Poèmes.
    Merci Jacques. Les louanges font toujours plaisir. J'aime aussi ton blog de poèmes. Amitiés.
    3
    Frédéric
    Dimanche 29 Juin 2008 à 11:24
    Traité de Brest-Litovsk
    Je n'ai jamais compris la hargne du peuple allemand concernant le traité de Versailles; Le traité de Brest-Litovsk signé début 1981 par l'Allemagne Impériale à la Russie n'est pas un modèle d'arrangement diplomatique et je doute fortement qu'une victoire à l'Ouest de l'armée allemande aurait était conclue de façon plus favorable aux Alliés vaincus.
    4
    Dimanche 29 Juin 2008 à 11:29
    Gaffe et réflexion
    Oups, signé le 3 mars 1918, non en 1981, gaffe de ma part ;) Franchement, appelé cela un traité inique me semble fort de café, c'est justement parce ce que la France n'a pas le courage de faire respecter celui ci que Hitler à put réarmer tranquillement.
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    Candide
    Lundi 30 Juin 2008 à 08:34
    Une vision unique ?
    Le pauvre peuple allemand oppréssé par les français revanchards directement responsables du succès d'Hitler... ce n'est pas comme si les industriel américains dont le gouvernement "essayait" d'aplanir le traité "inique" n'avaient pas pleinement collaboré au réarmement de l'Allemagne hitlérienne pour ensuite revenir encore une foi jouer les chevalier blanc de l'Europe au prix du sang de leurs GI. Pour envahir l'Europe il faut des moyens.
    6
    Frédéric
    Lundi 30 Juin 2008 à 12:44
    Révisionisme ?
    Candide ne parle pas des investissements américains dans TOUTE l'Europe; URSS y compris (licence de DC-3, usine d'aluminium clé en main, usine Ford considéré comme un héros par les soviétiques pour son Taylorisme), ... Cette pseudo théorie ne tient pas la route mais est bien commode pour certains pour cacher l'impuissance diplomatique de l'Europe Occidentale..
    7
    gaugain
    Mardi 1er Juillet 2008 à 05:30
    un peu vrai aussi...
    Bonjour Yves, j'espère que vous nous préviendrez de votre retour et de la reprise de votre blog. En attendant je vous souhaite le meilleur. J'interviens ce jour car dans les remarques de Candide et de Frederic, je pense qu'il y a "un peu de vrai", je me demande même s'il ne s'agit pas là d'un euphémisme. A ce propos, je ne sais si vous connaissez l'oeuvre d'un économiste, et député Français né fin du 19 ème et mort en 1976.... il se nommait Jacques Duboin. Vous trouverez sur wikipédia quelques informations le concernant. Dès la fin des années 20, il fit une intervention à l'assemblée entre autre sur le réarmement de l'Allemagne, et s'étonnait alors que les usines allemandes produisent tant de moteurs de "tracteurs", naturellement il fut pris pour une illuminé un uluberlu par ces collègues. Nous retrouverons quelques années plus tard tous les "moteurs de tracteurs" sur les Panzers Allemands. Comme vous le verrez sur Wiki il était aussi le créateur d'un concept économique nouveau qu'il appelait "l'économie distributive". Il ne fut donc suivi sur aucunes de ses idées, sauf par un petit groupe de fidèles, il créa une revue "la grande relève" qui est encore à ce jour éditée, et dont la responsable est je crois sa fille...et la rédaction confiée à certains de ses disciples. Peu après les évènements de 68 j'eu l'occasion de les approcher. Beaucoup de ces collectifs d'après 68 se pationnaient pour l'autogestion, j'étais parmi ces pationnés. La violence des combats dans le sud-est Asiatique, m'éloigna de ces mouvements et j'adhérais alors au PCF, qui vu de mon jeune âge de l'époque, me semblait le parti le plus engagé dans le soutien au peuples d'indochines, je n'oubliais pas pour autant son passé stalinien, et je faisais donc partie déjà des contestataires internes, des glatznotistes prévisibles, pour le moins des réformateurs en puissance, nous pensions alors pouvoir changer ce parti de l'intérieur. La tâche étant quasi impossible tant les esprits étaient fermés comme l'on dit maintenant formatés, que dès la victoire de ces peuples et le retour chez eux des G I, qui étaient aussi des gens de ma génération, pour lesquels nous avions autant de compassion que les pour les autres victimes asiatiques, je quittais ce parti qui fut aussi glorieux dans sa résistance à l'occupant allemand surtout après 1941... Assez parlé de ma petite personne, revenons à Jacques Dubois, qui dans un genre différent peu faire penser à Godin, le fabricant des fameux poêles, et initiateurs de ses fameux "Familistères"... Si vous en avez l'occasion passez un jour par Guise, dans la Somme, et visitez les réalistions de ce monsieur, dont l' oeuvre se situe je coirs fin du 18 début du 19 ème. Je pense que Wiki parle aussi de lui et que certains documents photographiques accompagnent l'article. Bonne journée à tous Pierre Gaugain.
    8
    Candide
    Mardi 1er Juillet 2008 à 08:17
    Quel révisionnisme ?
    Je suis étonné qu'on puisse encore parler en 2008 de révisionnisme à propos de l'implication des industriels américains dans l'ascension d'Hitler. Il ne s'agit pas d'essayer d'occulter certain faits part d'autre (L'impact de l'incurie des gouvernements européens pendant l'avènement du nazisme n'est plus à démontrer) mais de casser cette mystique de l'angélisme américain pendant ces mêmes années. Les industriels américains sont directement et activement responsables de la montée en puissance de l'Allemagne nazie. Bien entendu il ne s'agit pas de collusion idéologique, mis à part le cas très particulier de Ford qui était ouvertement pro nazi, ils cherchaient surtout à sortir du marasme économique de l'après première guerre mondiale, c'est pourquoi ils ont investit massivement dans des régimes dictatoriaux (Allemagne nazie, Union Soviétique, Espagne, Italie) qui leur assuraient une sécurité des affaires que ne pouvaient pas proposer les gouvernements démocratiques (changeants par nature). Le volume des investissements était plus important en Allemagne pour plusieurs raisons qui seraient trop longues à énumérer, toujours est-il qu'ils ont été faits en toute connaissance de cause sur la nature et les ambitions du régime nazi. C'est un fait avéré, pendant que le gouvernement américain tentait de stabiliser la façade atlantique de l'Europe pour des raisons de sécurité nationale (ils estimaient à l'époque que la mise en coupe réglée d'une entité hostile en Europe de l'ouest constituait un danger pour les USA) les industriels de ce même pays réarmaient les allemands afin de faire un maximum de profits. Donc quand on parle de l'incurie des gouvernements européens il faut également se poser la question de la lucidité du gouvernement US face aux agissements de sa puissance économique. Le constat est simple et sans appel, sans cette aide directe et massive le nazisme n'aurait pas eu les moyens de ses ambitions. Pour ceux qui sont intéressés par le sujet je vous invite à lire l'ouvrage de Antony Cyril Sutton "Wall Street and the rise of Hitler" qui fut un des premiers historiens à lever le lièvre. Ses propos s'appuient sur plusieurs documents issus des enquêtes de diverses commissions du congrès et du sénat américains à propos des agissement de ces industriels (le livre est disponible en ligne gratuitement en version anglaise).
    9
    Mardi 1er Juillet 2008 à 12:29
    Tous raison
    Bonjour à tous. Je crois que nous avons tous un petit peu raison. Les raisons du renouveau allemand et de la montée du nazisme sont multiples. La première guerre mondiale avait opéré de nombreuses destructions des deux côtés de la frontière et les pertes humaines étaient innombrables. Il fallait donc reconstruire. Clemenceau était arque bouté sur son slogan « l’Allemagne paiera », puisqu’elle était vaincue et il a insisté pour que les indemnités soient à la hauteur des gigantesques besoins de reconstruction en France. Mais ces besoins étaient les mêmes en Allemagne qui n’avait pas plus les moyens financiers que nous pour y faire face. D’où la proposition d’aide des américains qui ont vu aussitôt la possibilité du développement économique US. Je ne sais pas s’ils ont axé leur politique sur les seuls pays dictatoriaux, comme dit Candide, c’est possible. Mais ils ont aussi investi plus tard dans le Plan Marchal pour aider à la reconstruction de la France démocratique. Les choses ne sont jamais blanches ou noires. De plus, les Allemands avaient été humiliés (j’insiste) par le traité de Versailles qui prévoyait, outre les dommages financiers énormes, plus de 130 milliards de Marks-or, la perte de grands territoires et de leurs colonies, au profit de la France, la Pologne, la Tchécoslovaquie, etc …l’interdiction de réarmer et de constituer une armée ou une aviation dont l’essentiel est confisqué, l’occupation d’une partie de l’Allemagne par des troupes étrangères, le versement direct d’une partie de leur production industrielle au profit des vainqueurs, abolition des droits de douane pour les marchandises entrant sur le territoire allemand, etc … Dans ces conditions d’extrême rabaissement d’un peuple, même s’il le mérite, on comprend la hargne qu’il mettra à retrouver une certaine dignité et la fierté d’être Allemand. D’où les « usines de tracteurs », merci Pierre, qui vont alimenter les usines clandestines (puisque interdites par Versailles) de fabrication de blindés (pour une future revanche). Merci pour les références à Jacques Duboin, précurseur du socialisme et à Antony Cyril Sutton que je ne connaissais pas.
    10
    Candide
    Mardi 1er Juillet 2008 à 13:09
    Deux agendas différents
    Je me permet d'insister sur la différenciation à faire entre les activités de l'industrie américaine à la recherche de sources de profits maximums en dehors de toute considération éthique et le gouvernement américain qui pour des raison de doctrine stratégique voyait d'un mauvais oeil l'ascension du nazisme et aurait préféré voir Von Schleicher se maintenir au pouvoir.
    11
    Frédéric
    Mercredi 2 Juillet 2008 à 07:58
    Économie et politque
    Je me permet de signaler cette article deFrançois Delpla, parue le 11 février 2004 sur le financement du parti Nazi dans les années 1930 : http://www.delpla.org/article.php3?id_article=58 Il nuance considérablement les a priori sur le ''grand capital'' dans le financement d'Hitler; les grands barons de l'industrie n'appréciaient pas particulièrement ces parvenus. Quand au secteur économique en général, qui à dit ''ils nous vendrons la corde pour les pendre'' ? ;) Doit on rappeler que les MiG-15 qu'affrontèrent l'aviation allié en Corée était propulsé par des moteurs Roll Royce sous licence et que nombre d'équipement militaires actuels de la République Populaire de Chine sont des copies de productions occidentales (hélicos Dauphins et Super Frelon, missile Tow et Crotale, radars navals et aériens..), l'argent n'a pas d'odeur... Pour le traité de Versailles, rappelons qu'en 1870, la France à aussi du payer des indemnités de guerre et perdu 2 provinces... Je signale cette carte parue en 1917 sur les intentions territoriales allemandes vues par l'Entente : http://commons.wikimedia.org/wiki/Image:Germany_future_1917.jpg Même s'il s'agit d'oeuvre de ''propagande'', force est de constater que la frontière à l'Est se rapproche curieusement à celle imposé aux Soviétiques lors de traité debut 1918...
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