• La BEREZINA victoire napoléonienne

    Il y a 200 ans exactement, en 1812 donc, la Grande Armée de Napoléon Bonaparte, forte de 450.000  hommes issus de tous les horizons de l’Europe, s’enfonce inexorablement dans les immensités russes après avoir franchi le Niemen en Juin, dans le but de montrer au Tsar Alexandre 1er qu’on ne s’oppose pas sans conséquence au blocus qui le frappe.

    Mais les Russes ont appris à connaître le stratège français et refusent l’affrontement direct. Pire, ils refluent et se dérobent tout en pratiquant, devant l’envahisseur, la tactique de la terre brulée déjà employée par Vercingétorix devant le repli de César. Ainsi, Napoléon ne livrera pas sa bataille décisive. L’affrontement équilibré de Borodino, sur la Moskova, juste avant de déboucher sur Moscou, le laisse sur sa faim. Certes, en septembre il est à Moscou, l’ancienne capitale des Tsars, mais la ville brûle et la grande armée ne peut s’y refaire une santé.

    Napoléon sait que l’hiver sera rude dans ces contrées mais il ne peut quitter Moscou sans avoir amené Koutousov à négocier. Sans succès. Un mois se passe et le froid va commencer à se faire sentir. Le 26 octobre 1812, l’Empereur se décide à ordonner la retraite même si le grand succès stratégique de cette campagne de Russie n’a pas eu lieu. Les maladies, accidents et défections, plus que les combats, lui ont laissé moins de 100.000 hommes épuisés, affamés, désenchantés. Regagner Smolensk permettrait d’y établir les quartiers d’hiver. Les colonnes de corps d’armée de Murat,  Ney, du prince Eugène, jusqu’à Davout qui ferme la marche, s’étendent sur des dizaines de kilomètres. Une multitude de chariots tente de suivre ce mouvement mais alourdis par les blessés et d’hétéroclites impedimenta, ils sont une proie facile aux attaques des Cosaques qui suivent de loin cette longue chenille.

    A Orcha, sur le Dniepr, après avoir appris que Ney a perdu l’essentiel de ses troupes à Krasnoïe, Napoléon réorganise ses unités combattantes. Début novembre, la neige est là et la marche se ralentit encore, pendant que les deux armées russes du général von Wittgenstein au nord, lequel a bousculé la flanc-garde de Oudinot et de Tchichakov au sud envisagent leur jonction pour encercler les Français, toujours talonnés par Koutousov. Napoléon ne peut donc pas arrêter le repli pour reposer les troupes car il lui faut passer au milieu de cette tenaille et donc traverser la rivière Berezina sur l’unique pont de Borisov, avant que les Russes ne s’en emparent. Trop tard, Tchichakov arrivé le premier a brûlé le pont de bois sur la moitié de sa longueur et il attend le reliquat de la grande armée sur l’autre rive.

    Napoléon tente alors une manœuvre de diversion qui va réussir : il demande à ses maréchaux d’effectuer de grands mouvements de troupe en aval de Borisov pour laisser penser que c’est là qu’il va franchir la zone marécageuse à moitié gelée de la Berezina. Dans le même temps, il fait rechercher un passage en amont. Le général Corbineau trouve un gué franchissable par un homme à cheval à Studianka, une quinzaine de kilomètres au nord. Napoléon rassemble alors tous les pontonniers, aux ordres du général Eblé et leur fait construire en urgence deux ponts de 100 mètres de long et 05 de large. Ces hommes remarquables vont planter dans le fond vaseux, durant deux jours et deux nuits, des chevalets de bois au milieu des blocs de glace pour étayer les charpentes des ponts que le courant menace à chaque instant. Leur courage et leur abnégation, des heures durant avec de l’eau glacée jusqu’au cou, leur assure la gloire en même temps que la mort.

    Et le 26 novembre à la mi-journée, les ponts sont viables et les unités commencent à franchir en bon ordre, l’une après l’autre sans discontinuer, Oudinot en tête, suivi par Ney, les matériels lourds sur le pont de gauche et les plus légers à droite. Napoléon, qui a tout observé, traverse le 27 novembre avec la Garde et rejoint sur la rive droite les 25.000 combattants restants, sauvés de l’enfer blanc.

    Quand Tchichakov s’aperçoit qu’il a été abusé, il s’élance enfin aux trousses des Français mais il ne reste sur la rive gauche de la Berezina que quelques milliers d’hommes de Victor qui résistent aux attaques de Wittgenstein. La manœuvre de Napoléon a réussi.

    Se sont aussi arrêtés devant l’obstacle marécageux tous les trainards et les éclopés qui tentent de reprendre leurs forces. Ceux-ci sont sourds aux appels de Eblé qui les adjure de traverser car au matin du 29, il détruira les ponts pour protéger la retraite. C’est au moment où les ponts sautent et brûlent qu’une foule en guenilles se précipite vers les deux passages embrasés. Mais la bousculade des hommes et des chariots est telle, accompagnée de la panique sous les bombardements des canons russes, que la plupart, femmes et enfants compris, tombent à l’eau et disparaissent dans les rouleaux glacés. C’est cet ultime épisode dramatique de confusion totale qui marquera les esprits et qui sera à l’origine du sens que l’on donne aujourd’hui à la phrase «  c’est la Berezina » pour évoquer une catastrophe alors que le passage, en bon ordre, de cette large coupure fut un réel succès militaire face à des forces à ce moment-là quatre fois plus nombreuses.

     


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