• Kemal Atatürk fonde la Turquie moderne

    Tous les ans à même époque, soit le 10 novembre à 09 h 05, Istanbul se fige et les Turcs respectent une minute de silence en souvenir du père de la nation, « Atatürk », le père des Turcs ou « Turc-Père », surnom donné à Mustafa Kemal, le premier président de la nouvelle République, formée grâce à son énergie sur les ruines de l’Empire ottoman.

    C’est un sacré bonhomme, ce Mustafa, né en 1881 à Salonique (la Thessalonique grecque d’aujourd’hui) et entré très jeune à l’école des Cadets de Monastir où il étonnera son professeur de maths, Mustafa Bey, lequel ajoutera Kemal au nom de ce brillant élève, ce qui veut dire « le Parfait ».

    Officier dans l’armée du sultan, volontiers noceur, il lit les grands auteurs français des Lumières, se passionne pour la révolution et pour Napoléon. Considéré comme subversif, il est envoyé à Damas, très loin de Constantinople, le nom que prit Byzance avant de devenir Istanbul. A son retour, pourtant, il ne participe pas au mouvement de contestation révolutionnaire des « Jeunes-Turcs » d’Enver Pacha, partis de Macédoine en 1908, qui veulent rétablir la constitution abolie par le sultan. Ce sont eux qui écarteront les Arméniens des postes de responsabilité puis les déporteront avant de tous les assassiner.

    Les Turcs auront le malheur de choisir le mauvais camp pendant la première guerre mondiale, celui de l’Allemagne et de l’Autriche-Hongrie, ce qui vaudra à ce qu’il reste de l’Empire Ottoman d’être démembré par le traité de sèvres en 1920, au profit notamment de la France et du Royaume-Uni. Le sultan à Istambul s’incline mais un jeune général, Mustafa Kemal, entre en rébellion à Ankara et, fort de l’appui des Turcs nationalistes et des Russes communistes, écrase les Arméniens, chasse les troupes et populations étrangères, grecques notamment, d’Anatolie. Ce sursaut lui vaudra le titre de « Ghazi », le Victorieux. Dans la foulée, devenu l’homme fort qui a discrédité le Sultan, il contraint les Alliés à signer un nouveau traité moins sévère. Ce sera Lausanne en 1923.

    Depuis Ankara, sa nouvelle capitale, Atatürk  abolit le sultanat pour le remplacer par une République dont il prend la tête. Grande nouveauté que cet Etat laïc dans un pays musulman. Inspiré par la révolution française, Kemal veut moderniser le pays et rendre aux Turcs leur fierté. Astucieusement, il proclame l’Islam religion nationale, ce qui lui laisse les coudées franches pour transformer la société, grâce à un parti unique, interdire les vêtements traditionnels ottomans, tels que le Fez ou le voile, ainsi que la polygamie, passer au système métrique, au calendrier grégorien, abandonner l’alphabet arabe au profit du latin, prôner l’égalité des sexes, établir un code civil à l’européenne. Il va se heurter, cependant, au problème des Kurdes qui ne s’intègrent pas dans ce nouveau schéma.

    Kemal Atatürk meurt en pleine gloire, le 10 novembre 1938. Il avait 57 ans et n’a pas survécu à une cirrhose du foie. Un mausolée conserve sa mémoire et son successeur, Ismet Inönü, encouragera le culte de la personnalité de ce père de la nation.

    Je doute que Mustafa Kemal Atatürk ait goûté le retour en arrière actuel de la société turque qui s’est ré-islamisée de façon encore plus radicale qu’auparavant. Il s’étonnerait de voir les Américains, sous couvert de l’OTAN, et les Russes, sous prétexte historique ancien, se disputer son influence et ses accès aux mers intérieures. Il postulerait, sans doute, pour une intégration de son pays au sein de l’Union européenne, ce qui n’est pas gagné pour l’instant. Mais l’histoire a de tels retournements, sait-on jamais !


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  • Commentaires

    1
    Papyves1 Profil de Papyves1
    Mardi 25 Novembre 2014 à 18:07
    Problème technique
    Comme vous le voyez, cet article aurait dû paraître le 10 novembre mais un problème technique m'empêchait de le faire et ce n'est qu'aujourd'hui que j'ai pu enfin le publier.
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