• Gambetta et Bazaine

    La guerre de 1870 a été déclenchée à la suite d’un malentendu, une erreur de traduction, finement ciselée par le chancelier prussien Bismarck, lorsqu’il renvoya la « dépêche d’Ems » de Guillaume 1er en la modifiant de telle sorte qu’elle apparaisse comme offensante aux yeux de l’entourage de Napoléon III. Car il fallait à Bismarck une guerre pour rallier à la Prusse les Etats allemands du Sud réticents à s’agréger à lui.

    La dépêche va avoir l’effet escompté par le rigide comte Otto von Bismarck. En quelques jours, du 13 au 19 juillet 1870, on passe, côté français, de l’affront inacceptable mais non vérifié, à l’appel des réservistes puis au vote des crédits pour la mobilisation et, enfin, à la déclaration de guerre. Or, la France n’est pas prête, contrairement à la Prusse et aux états allemands. Outre-Rhin, les principes de Clausewitz imprègnent des états-majors réorganisés, les canons Krupp en acier surpassent l’artillerie française. La Prusse, renforcée par les autres corps allemands, peut ainsi aligner 500.000 combattants pendant que l’Empire français n’en rassemble en urgence que la moitié, environ 265.000 hommes.

    Laissant la régence à l’impératrice, Napoléon III croit de son devoir de se porter en avant des troupes. Le 28 juillet, il est à Metz mais ne peut empêcher les retraites successives de Mac-Mahon en Alsace, de Bazaine qui se replie de Forbach sur Metz. Seule Strasbourg résiste et surtout Belfort avec un Denfert-Rochereau déterminé. Bien que battues à Rezonville, les armées allemandes du Kronprinz maintiennent partout l’offensive. De nombreux combats opposent les deux armées qui se battent durement à Wissembourg, Froeschwiller, Spicheren, Freyming, Borny, Gravelotte, Saint-Privat ou Noisseville. Napoléon III reprend le commandement de l’armée d’Alsace repliée à Châlons sur Marne pour opérer un grand mouvement par le Nord. Mais il se fait enfermer dans Sedan, doit capituler avec 100.000 hommes le 02 septembre 1870 et se constituer prisonnier. C’est l’humiliation et l’effondrement de l’Empire.

    Mais ce n’est pas la fin de la guerre que les Républicains, à Paris, veulent poursuivre à tout prix. Léon Gambetta proclame la République et un gouvernement provisoire de défense nationale est constitué avec, notamment, Favre et le général Trochu, chargé d’organiser la résistance armée de la garnison parisienne face aux Prussiens qui assiègent déjà la capitale. Le général échouera dans ses tentatives, ce qui donnera à Victor Hugo l’occasion du bon mot célèbre de « Trochu, du verbe trop choir ».

    Face à cette situation, le gouvernement envoie une délégation à Tours, avec Crémieux, ministre de la justice, bientôt rejoint par Gambetta, investi des ministères de l’Intérieur et de la Guerre. Le 08 octobre 1870, Gambetta s’élève donc en ballon depuis la colline de Montmartre, pour éviter les bombardements et barrages prussiens. Mais le vent est contraire et les poussent vers les lignes ennemies. C’est finalement en train et avec deux jours de retard  que la délégation rejoindra Tours. La mission de Gambetta est de lever des troupes pour continuer la lutte « à outrance » et coordonner la résistance à l’envahisseur. Il lève ainsi l’armée de la Loire. Tout n’est pas perdu, en effet, car il reste l’armée de Bazaine qui, croit-on, tient bon dans Metz assiégée elle aussi. Certes, son armée ne pourra pas être secourue par celle du Nord, de Faidherbe, battue à Saint-Quentin ni par celle de l’Est, avec Bourbaki, stoppée à Héricourt mais Bazaine et Denfert-Rochereau vont retourner la situation, que diable ! Il suffira ensuite à l’armée de la Loire de foncer sur Orléans et délivrer Paris.

    Or le maréchal François Achille Bazaine n’a de cesse d’envoyer des messages d’alerte sur sa situation dramatique mais aucune réponse ni aucun secours ne lui parviennent. Son dernier message arrive enfin à Tours, le 27 octobre et l’on se presse autour de Gambetta pour obtenir des nouvelles du front. Mais le ministre, qui n’a pas pris la précaution d’emporter les clefs de chiffrement, ne peut pas décoder ce message chiffré. Pour ne pas se ridiculiser devant les journalistes présents, il rédige alors un court message prétendant que l’armée de Metz ne manque de rien et inflige de lourdes pertes à l’ennemi.

    C’est dire si la surprise sera grande lorsque la nouvelle de la capitulation du maréchal Bazaine à Metz parviendra quelques jours plus tard. Comment une armée si bien équipée et en plein succès offensif peut-elle s’effondrer subitement ? Sinon par la trahison de son chef.

    C’est effectivement cette trahison qui sera orchestrée au sommet de l’Etat pour faire d’un seul homme le bouc émissaire idéal d’une faillite générale. Le maréchal n’était-il pas un fervent bonapartiste, un antirépublicain ? Le bruit court qu’il a trahi pour faire échouer la République et remettre en selle l’Empire. Honte à ce Lorrain par qui le funeste traité de Frankfort est arrivé. Honte à ce bonapartiste qui impose une reddition à ses hommes pour de viles raisons politiques et un siège éprouvant aux Parisiens. Malheur à ce traitre qui fait perdre à la France l’Alsace et une partie de la Lorraine. Son sort est scellé : condamnation à mort !

    La voie est libre pour l’avocat Léon Gambetta qui va progressivement prendre la tête de l’opposition républicaine, jusqu’à son accession au poste de Président du Conseil, œuvrant par ses discours à l’assemblée et ses propres journaux, pour l’instauration d’une nouvelle constitution avec un exécutif fort, à son secret profit. Mais il ne sera pas suivi et la maladie l’emportera.

    Le transfert de son cœur au Panthéon à Paris illustre l’emprise qu’aura marquée sur son temps cet homme de tempérament et de convictions, patriote à sa manière.

     


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