• Sous  Louis  XIV et  Colbert,  vers 1680,  la  marine française,  dite  « la  Royale »,  est  la plus  importante  du monde  avec  environ 200  navires  de  guerre,  ce  qui lui  permet  de faire  la  loi et  d’explorer  de nouveaux  continents.

    C’est  ainsi  qu’en avril  1682,  Cavelier de  La  Salle, partant  du  Canada  qu’avaient  conquis  avant lui  les  Jacques Cartier  et  Samuel de  Champlain,  descend  le  Mississipi  jusqu’à son  embouchure  et peut  offrir  au Roi  soleil  cet  immense  territoire  vierge au  centre  de ce  « nouveau  monde »  qu’il  baptise « Louisiane »  en son  honneur.

    Mais  la  Royale et  les  terres occupées  de  l’autre côté  de  l’océan  coûtent  cher  alors qu’on  a  déjà fort  à  faire et  à  guerroyer  sur  le  vieux continent.  En  1730, la  flotte  de guerre  n’a  plus  que  70  à 80  navires  alors que  la  « Navy »  qui a  envié  et copié  sur  la  marine  française  au temps  de  sa gloire  en  compte déjà  près  de  200.  Ce  renversement de  puissance  sur les  mers  va beaucoup  compter  pour  le  maintien  des peuplements  sur  les rives  acadiennes.

    C’est  la  Guerre de  Sept  ans  (1756-1763 )  qui  va précipiter  la  perte,  par  la  France, de  tous  ses territoires  d’outre-mer.  Les origines  de  la  Guerre  de  Sept ans  s’appuient  sur le  renversement  des alliances  quand  la  France  lâche  la  Prusse,  qui a  déçu,  au profit  de  l’Autriche,  ennemi  héréditaire  de l’époque.  L’incident  déclencheur est  la  saisie,  dans  plusieurs  ports du  monde,  de 300  navires  de commerce  français  par  les  Anglais  qui n’arrivaient  pas  à  l’emporter  sur le  terrain  canadien  malgré  leur  supériorité numérique.

    Courte  mais  dense, cette  guerre,  mondiale déjà,  se  déroulera sur  le  continent  européen  mais  aussi sur  les  mers jusqu’aux  Indes  et en  Amérique  du  fait  des  visées de  l’Angleterre  sur les  possessions  françaises  de  la  Nouvelle France  ( le Québec ),  des  Antilles et  des  Indes.

    Installés  dans  l’Est du  nouveau  continent, les  Anglais  n’ont  jamais  relâché  leur harcèlement  des  campements français  alliés  aux  amérindiens.  L’Acadie  ( qui deviendra  Nouvelle  Ecosse et  Nouveau  Brunswick )  leur  avait  été cédée  par  le traité d’Utrecht  en  1713. 
    Progressivement,  les  navires anglais  débarquent  suffisamment  de  soldats  pour qu’une  attaque  en règle  puisse  être déclenchée  devant  Québec  et  le  sacrifice de  Montcalm  sur les  Plaines  d’Abraham,  en  septembre  1759,  n’y fera  rien. 

    Pour  remercier  l’Espagne de  l’avoir  accompagnée dans  la  Guerre de  Sept  ans  contre  la  Grande Bretagne,  Louis  XV lui  offre,  en 1762,  la  Louisiane  occidentale,  rive  droite du  Mississipi,  ainsi que  la  Nouvelle-Orléans.  L’Espagne  la  restituera  d’ailleurs en  1800  peu  de  temps avant  que  Napoléon  ne  la  brade à  nouveau.

    Lors  du  Traité de  Paris  qui clôt  la  guerre de  Sept  ans, le  10  février  1763,  la  France cède  ce  qu’il reste  de  la Louisiane,  rive  gauche  cette  fois,  mais elle  doit  aussi se  défaire  de ses  possessions  indiennes  que  Dupleix  avait si  brillamment  conquises.

    Ne  lui  reste alors  que  cinq comptoirs  que  des générations  d’élèves  vont  apprendre  par  cœur pour  le  certificat d’études :  Pondichéry,  Chandernagor,  Yanaon,  Karikal  et Mahé.

    Hormis  quelques  îles  (Saint-Domingue,  Martinique, Guadeloupe )  et  comptoirs  en  Afrique,  la France  perd  ainsi la  totalité  de son  premier  empire colonial.

    Une  semaine  plus tard,  le  15  février 1763  en  Europe, la  paix  signée  en  Saxe  entre la  Prusse  et l’Autriche  consacre  l’avènement  du  plus  puissant état  allemand.

    L’année  1763  aura ainsi  modelé  un nouvel  ordre  mondial :  l’Angleterre  a  pris  la barre  sur  les mers  et  la Prusse  a  pris l’ascendant  sur  terre.

     


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  • Pour s’assurer l’accès aux matières premières qui leur manquaient, les Japonais ont mené, fin XIXème et début du XXème siècles, une
    politique d’expansion qui leur a permis de mettre la main sur Formose, la Corée, le sud de Sakhaline disputée avec les Russes et enfin les possessions allemandes après la première guerre mondiale. Ce qui contraria fort les occidentaux, Français d’Indochine et Américains notamment qui s’étendaient, eux, sur l’ensemble du Pacifique.

    En 1940, l’Empire japonais de Hiro-Hito ( localement Shôwa )rejoint les forces de l’Axe ( Berlin, Rome, Tokyo ) et louche à nouveau sur les ports chinois que les Etats-Unis soutiennent par un prêt-bail dès 1941 et par un embargo anti-japonais. Le ressentiment contre les Américains grandit alors aussi vite que les dépenses d’armement au Japon, lequel se convainc qu’il faut frapper un grand coup.

    Pearl Harbor est une vaste crique au sud de Oahu, l’une des îles volcaniques Hawaï, territoire américain donc au milieu de l’océan pacifique où se concentre à l’abri, pendant la WW2, une flotte de guerre US importante ( ne manquent que les porte-avions ). Ce sera la cible de la marine et de l’aviation japonaises qui préparent, en grand secret, aux ordres de l’amiral Yamamoto, une attaque brutale foudroyante.

    Les Japonais connaissaient l’implantation des navires américains dans la rade car leurs espions avaient l’habitude de transmettre les mouvements de ceux-ci par des codes lumineux vers un sous-marin croisant au large. Les bâtiments de guerre étaient amarrés deux par deux pour réduire la surface à défendre contre des actes terroristes.

    Le dimanche 07 décembre 1941, une armada silencieuse japonaise s’est avancée par le Nord-Ouest depuis les îles Kouriles, jusqu’à 200 miles ( 370 km ) de Pearl Harbor. A 06 h 00, au cri de « Tora, tora, tora » (Tigre ), l’amiral Nagumo fait décoller sa première vague de 183 avions, bombardiers, torpilleurs et chasseurs. Puis, à 07 h 15, il envoie la deuxième vague forte de 167 appareils. Les premières bombes nippones sont larguées par les bombardiers en piqué à 07 h 53, sur les 94 navires de guerre en rade. C’est la surprise totale dans cette garnison tranquille. L’officier de quart s’époumone à la radio « Air raid on Pearl Harbor. This is not a drill », « ceci n’est pas un exercice ». Les bateaux touchés contaminent par le feu leur jumeau amarré sur leur flanc, les avions imbriqués sur le tarmac ne peuvent décoller au milieu des explosions et sont détruits  mais des actes héroïques permettent aux canons anti-aériens de riposter avec succès.

    La deuxième vague, passant au-dessus d’Honolulu, acheva les bombardements vers 09 h 45 car Nagumo annula la troisième attaque prévue, estimant que l’effet de surprise était perdu. Les pertes sont à la hauteur de la surprise stratégique : 2.400 morts et près de 1.200 blessés côté américain pour seulement 64 morts, un sous-marinier capturé et 29 avions abattus sur 350 engagés, côté nippon.

    Pourtant, des renseignements de plus en plus alarmistes avaient été reçus par l’amirauté à Washington mais on s’était persuadé que les Philippines ou l’Indonésie pourraient en être le but, pas un Etat américain. Le dernier message d’alerte décodé sera d’ailleurs envoyé d’abord au Panama, puis aux Philippines et enfin, mais à 08 h 00 seulement, à Pearl Harbor. Le rusé président Roosevelt aurait-il laissé sciemment se développer une attaque contre un territoire et des forces américaines pour retourner une opinion américaine peu encline à l’entrée en guerre des Etats-Unis contre l’Allemagne ?  De fait, sitôt connue cette attaque, ressentie comme un électrochoc outre-Atlantique, c’est Hitler qui va déclarer le premier la guerre aux Etats-Unis. «  Ma responsabilité est dégagée » dira Roosevelt qui pourra, dès lors, lancer en toute bonne conscience la formidable machine économique américaine dans le conflit, avec le résultat positif que l’on sait.

     


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  • La  première  guerre mondiale  ( qui  ne fut  pas  hélas 
    la  « der  des der » )  laissa  sur  le  terrain européen  environ  20 
    millions  de  morts dont  la  moitié de  civils.  Les Alliés  de  1919 
    voulurent  faire  payer au  vaincu,  l’Allemagne, le  prix  fort 
    de  cette  dramatique hécatombe.  Le  traité de  Versailles  sera 
    ainsi  injustement  dur et  contraignant  envers des  Allemands  qui 
    en  garderont  un vif  ressentiment,  en grande  partie  à 
    l’origine  de  la montée  du  Nazisme et  d’un  IIIème 
    Reich  belliqueux  quelques années  plus  tard.

    C’est  ainsi  que  le  10 Mai  1940,  Hitler lance  ses  armées 
    reconstituées  sur  les Pays-Bas,  la  Belgique et  la  France. 
    Le  20,  ayant contourné  la  ligne Maginot,  les  panzers 
    percent  à  Sedan. Le  24,  ils sont  à  Boulogne et  Calais.  Les 
    Anglais  qui  s’étaient déployés  en  Belgique, craignant  d’être  pris 
    en  tenaille,  ont le  temps  de réembarquer  avant  la 
    reprise  de  l’offensive allemande  momentanément  arrêtée 
    par  Hitler  lui-même. 
    Fin  Juin  1940, les  troupes  anglaises sont  intactes,  la 
    moitié  de  la France  est  occupée mais  le  gouvernement 
    anglais  craint  que la  très  belle marine  française  ne 
    tombe  aux  mains de  l’envahisseur. 

    Début  Juillet  1940, Winston  Churchill  ordonne 
    donc  à  la  Royal  Navy d’attaquer  une  escadre de  la  flotte 
    française,  dans  la rade  de  Mers el-Kébir  près  d’Oran, 
    faisant  près  de 1.300  morts  chez les  marins  français.

    En  France  libre où  il  s’est replié,  le  régime 
    de  Vichy  ( et  le  maréchal Pétain  le  premier )  croit 
    encore  pouvoir  négocier avec  les  dirigeants nazis  et  collabore 
    avec  eux  en pensant  sauver  la paix.

    Outre  Manche,  on choisit  la  résistance et  la  reconquête 
    en  préparant  une série  de  débarquements sur  les  nombreuses 
    côtes  françaises.

    Le  08 Novembre  1942,  les troupes  anglo-américaines  débarquent 
    en  Afrique  du Nord,  sous  influence française.  C’est  l’opération 
    Torch  commandée  par le  général  Dwight Eisenhower.  Malgré  une 
    résistance  inattendue  de troupes  aux  ordres de  l’amiral  Darlan, 
    l’occupation  alliée  en Afrique  du  Nord réussit.  Dans  les 
    sables,  la  résistance héroïque  des  Français de  Pierre  Koenig 
    à  Bir-Hakeim  offre le  temps  aux Anglais  de  Alexander 
    et  Montgomery  de stopper  l’avance  des blindés  de  Rommel 
    dans  l’oasis  d’El-Alamein près  d’Alexandrie.  Les Allemands  et  leurs 
    alliés  Italiens  devront quitter  l’Afrique  du Nord.

    Ce  qui  n’est franchement  pas  du goût  de  Hitler qui  réagit,  le 
    11  Novembre  1942, en  lançant  l’opération  Attila consistant  à  franchir 
    la  ligne  de démarcation  et  occuper la  zone  libre, au  Sud  de 
    la  Loire,  en complète  violation  des accords  d’armistice  de Juin  1940.

    A  nouveau,  la flotte  française  rassemblée à  Toulon,  est 
    menacée  par  la Wehrmacht.  Pour  échapper aux  Allemands,  sans 
    pour  autant  tomber entre  les  mains de  la  « perfide  Albion »,  les 
    marins  français  acceptent l’ordre  de  l’amiral Jean  de  Laborde 
    du  27  Novembre et  sabordent  leurs  navires.

    Il  faudra  encore deux  autres  débarquements,  l’un 
    en  Juin  1944  sur  les plages  de  Normandie et  l’autre  en  Août  1944 
    en  Provence,  pour que  le  territoire de  la  France  soit enfin  libéré.  Ces 
    exemples  d’engagement  de troupes  fraiches  depuis l’extérieur  du  théâtre 
    principal  montrent  que la  victoire,  dans un  conflit  majeur, 
    ne  s’obtient  qu’en coalition.  Lesquelles  coalitions ne  sont  pas 
    toujours  exemptes  d’arrières pensées. 


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    Cyrus II le Grand, roi des Perses et des Mèdes ( qui donneront leur nom aux guerres médiques ), s’empare de la prestigieuse Babylone de Nabuchodonosor ( au cœur de l’Irak actuel ) en 539 avant JC. Puis il écrase la cavalerie lydienne ( Turquie actuelle ) de Crésus et débouche à l’Ouest sur la mer Egée.

    Devenu « Roi des Rois », respectueux des croyances des peuples qu’il a soumis jusqu’à la mer d’Aral, il suscite cependant des jalousies et donc des révoltes. Son successeur Darius 1er, limite son appétit de domination aux îles grecques de la mer Egée. Naxos tombe en - 490 puis Délos et enfin Eubée, la plus grande île à l’Est d’Athènes dont le port de Carystos est pillé, avant que ne brûle Erétrie. La domination perse sur la mer Egée est complète mais grisés par leurs succès, les marins perses et mèdes poussent une flotte à l’Ouest vers le port athénien de Phalère et ils débarquent, en même temps, dans la plaine de Marathon, à 40 kilomètres à l’Est de la capitale grecque.

    Cette fois, la menace est réelle et les Athéniens tentent de constituer une coalition pour repousser les envahisseurs, en envoyant des messagers, notamment vers Sparte. Seule la ville de Platées, au Sud de Thèbes, envoie des troupes mais cela suffit pour former un bloc en face des Perses, trois fois supérieurs en nombre. Les Spartiates arriveront après la bataille qui fut courte.

    Forts de leur supériorité numérique, les Perses attaquent le centre du dispositif athénien qu’ils bousculent et enfoncent. Mais les Grecs, commandés par Miltiadès et soudés en phalanges « d’hoplites » lourdement armés, réagissent en effectuant une charge enveloppante simultanée par les deux ailes qui leur permet de se retrouver derrière le dispositif central des Perses. Ceux-ci, décontenancés, rompent le combat et refluent vers le rivage où sont amarrés leurs navires.

    Au total, selon Hérodote, 6.400 Perses sont tués ou noyés, 7 navires sont détruits pendant que moins de 200 hoplites athéniens seulement périront.

    Pourtant la bataille n’est pas finie car les navires perses qui contournent le cap Sounion, s’approchent du port de Phalère ( aujourd’hui Pirée ), de l’autre côté de la montagne de Pentélique. Miltiadès impose alors à ses soldats vainqueurs une marche forcée de 7 ou 8 heures pour devancer la flotte de Datis. Effectivement, ils arrivent une bonne heure avant les navires perses et se mettent en lignes de défense. Ce qui impressionne les Perses, lesquels renoncent à l’affrontement. Athènes est sauvée.

    Juste après la bataille de Marathon, ce 13 Septembre - 490, Miltiadès aurait, selon la tradition, envoyé un jeune messager porter la nouvelle de la victoire aux habitants d’Athènes. Exténué, Philippidès s’écroulera devant l’Agora, aux pieds de l’Acropole, en ayant juste le temps de prononcer le mot « Nenikamen », nous avons gagné !

    Une autre version de la légende dit que c’est Heuclès qui est mort d’épuisement au bout de ces 43 kilomètres et que Philippidès avait été envoyé vers Sparte, soit 240 kilomètres à l’intérieur du Péloponnèse, pour rallier les Spartiates à la coalition. Il aurait fait l’aller-retour et aurait pris part aux combats dans la plaine de Marathon.

    Quel est l’exploit qui est fêté lors de nos jeux olympiques modernes, entre la course à mort jusqu’à l’Acropole, l’aller-retour jusqu’à Sparte ou la marche forcée des hoplites jusqu’au port ? Qu’importe, puisque l’important est que l’affrontement musclé et sanglant qui a réellement eu lieu dans l’Antiquité à Marathon soit rejoué, de nos jours, sous la forme d’une compétition fraternelle entre les coureurs de diverses nations rivales mais pas ennemies.

     


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    A  l’époque    l’empire  britannique  des  Indes  était  installé  à  Calcutta,  c’est  à  dire  avant  la  création  du  Pakistan,  la  frontière  à  l’Ouest  de  ce  « British  Raj »  menait  en  Afghanistan.  Pour  garder  libre  la  route  des  Indes,  une  « British  army  of  India »  mélangeant  Anglais  et  Gurkhas,  sillonnait  toute la  région. 

    Les  Russes,  de  leur  côté,  ont  toujours  voulu  s’ouvrir  une  porte  au  Sud  de  leur  continent  vers  la  mer  Caspienne  et  la  mer  d’Oman.  C’est  pourquoi  leur  diplomatie  s’est  orientée  vers  la  Perse  devenue  Iran.

    A  Kaboul,  dans  les  années  1835-1840,  l’émir  Dost  Mohammed,  qui  avait  remplacé  l’ancien  roi  Shah  Shoja,  se  laissa  convaincre  que  la  protection  russe  était  plus  sûre  que  la  britannique.  Ce  qui  ne  plût  nullement  à  ces  derniers  qui  dépêchèrent  l’Armée  de  l’Indus,  16.500  hommes,  vers  Kandahar  et  Kaboul.  Après  une  marche  difficile,  on  s’y  installa  pour  les  quartiers  d’hiver  et  on  y  mena  grand  train,  notamment  avec  les  femmes  indigènes.

    Mais  les  Afghans  sont  un  peuple  fier  qui  ne  supporte  pas  la  présence  d’étrangers  sur  leur  sol.  Le  02  Novembre  1841,  le  ressentiment  est  tel  qu’une  émeute  éclate  au  cœur  de  la ville.  Le  diplomate  anglais  Alexander  Burns,  qui  avait  choisi  de  loger  dans  une  maison  de  maître  près  du  bazar  plutôt  que  dans  le  campement  sécurisé,  fut  assailli  puis  tué,  sous  prétexte  qu’il  y  organisait  des  soirées  de  débauche.

    Craignant  un  soulèvement  général,  le  chef  de  l’expédition  britannique  ordonne  un  repli  immédiat  sur  Jalalabad  situé  à  une  semaine  de  marche.  Un  convoi  est  formé  à  la  hâte  qui  s’étire  sur  plusieurs  kilomètres.  Dans  ce  paysage  montagneux,  aux  gorges  étroites,  les  pillards  afghans  à  cheval  ont  beau  jeu  de  dépouiller  cette  armée  en  déroute.  D’abord  les  bagages  de  couvertures  et  de  tentes,  puis  de  nourriture.  Les  femmes  et  enfants  sont  maintenus  en  arrière  mais  les  attaquants  n’en  ont  cure,  ce  sont  des  infidèles  qui  les  avaient  humiliés  lors  de  leur  arrivée  en  force,  donc  pas  de  quartier  et  l’hiver,  rude  et  enneigé,  fait  le  reste.  C’est  une  complète  débâcle  dont  la  légende  dit  que  seul  le  médecin  Brydon  parviendra  à  échapper  au  massacre  et  à  atteindre  Jalalabad.

    Ecoutons  Vincent  Eyre  dans  « Journal  du  lieutenant  V. Eyre  de  l’artillerie  du  Bengale »,  Janvier  1842 :  «  … les  cruels  Afghans  recommencèrent  de  très  bonne  heure  à  nous  tourmenter  de  leur  feu …/… à  l’entrée  du  défilé,  on  essaya  de  séparer  les  troupes  valides  des  non-combattants …/… il  est  difficile  de  concevoir  avec  quelle  rapidité  ces  deux  nuits  passées  à  la  gelée  avaient  désorganisé  l’armée …/… l’idée  de  franchir  l’étroit  défilé  que  nous  avions  devant  nous  et  cela,  à  la  face  de  toute  une  population  armée  et  avide  de  carnage,  embarrassés  comme  nous  l’étions  par  une  multitude  immense  et  désordonnée,  était  bien  faite  pour  nous  saisir  d’effroi …/… bientôt,  la  foule  fut  au  milieu  du  feu  et  ce  ne  fut  plus  qu’un  carnage  épouvantable …/… quand  l’armée  eut  atteint  Khoord-caboul,  la  neige  avait  commencé  à  tomber …/… on  n’avait  pu  sauver  que  quatre  tentes  qui  avaient  été  réservées  aux  dames  et  aux  enfants,  ainsi  qu’aux  malades …/… on  n’entendit  de  tous  côtés  que  des  gémissements,  des  plaintes  et  des  cris  de  détresse … »

    Pour  les  Britanniques,  c’est  un  affront  et  une  atteinte  à  leur  prestige  mondial  qu’il  faut  laver  aussitôt.  Une  expédition  punitive  sera  organisée  dans  les  mois  suivants  mais  celle-ci  ne  réussira  qu’à  raser  le  riche  Bazar  couvert  de  Kaboul.  Après  la  signature  d’un  traité  de  paix  que  nul  ne  songeait  à  respecter,  les  Anglais  se  retirent  vers  leur  bastion  indien,  joyau  de  la  couronne,  qu’ils  devront  livrer  également  en  1947  à  Gandhi  et  Nehru.

    Les  soldats  de la  reine  Victoria  venaient  ainsi,  les  premiers,  de  mesurer  la  farouche  détermination  du  peuple  afghan  qui  ne  cède  jamais  devant  l’occupant,  comme  en  feront  l’amère  expérience  les  troupes  soviétiques  entre  1979  et  1989  et  les  troupes  américaines  encore  aujourd’hui.

     


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